L'extraction minière des fonds marins : danger

Mis à jour le par Equipe Rédaction

L’exploitation minière des fonds marins est une activité industrielle émergente, qui résulte de notre appétit insatiable pour les minerais : cuivre, cobalt, nickel, manganèse… Il restait un endroit que nous n’avions pas pillé, nous envisageons de nous y attaquer désormais : il s’agit des abysses, des plus grandes profondeurs marines, encore vierges de toute intervention humaine. Une pratique dont les dernières recherches scientifiques ont révélé les effets, aussi dévastateurs que durables, sur les écosystèmes en question. Quid de l’exploitation minière en eau profonde ?

L'extraction minière des fonds marins : danger

C’est quoi l’extraction minière des fonds marins ?

Il s’agit en fait de faire passer des machines excavatrices afin d’extraire les précieux minerais, très prisés des industriels, d’autant plus qu’ils y sont disponibles sous forme enrichie. Ainsi, un espèce d’énorme tracteur sous-marin aspire les premiers centimètres des fonds marins, et envoie les sédiments, roches, animaux écrasés, et nodules polymétalliques jusqu'à un navire situé à la surface. Les minéraux y sont alors triés et la boue résiduelle est renvoyée dans l’océan.

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Des minerais que tout le monde s’arrache

💰 Ces minerais, en effet, attisent toutes les convoitises, dans un contexte où la transition énergétique en cours et l’électrification progressive du parc automobile en nécessitent de grandes quantités, sans oublier la satisfaction des besoins abyssaux, c’est le cas de le dire, du secteur numérique. C’est là que la lutte climatique se heurte à la crise écologique…

Ces gisements sous-marins sont connus depuis les années 60, mais l’accès facile à ces ressources en surface et la chute des cours des métaux dans les années 70 rendait leur exploitation inutilement laborieuse et coûteuse : le défi technique ne se justifiait pas. Ces gisements minéraux terrestres ont été depuis soumis à des pressions telles que cette exploitation apparaît désormais providentielle à de nombreux industriels. En effet, désormais, l’exploitation minière des gisements terrestres devient de plus en plus énergivore 😥, les filons à haute teneur menaçant désormais de tarir, ce qui nécessite d’atteindre la couche intermédiaire. Une extraction terrestre qui au passage est elle aussi loin d’être sans impact sur l’environnement.

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Un environnement précieux et mystérieux

Le plancher océanique est un environnement en bonne partie encore inconnu, composés de chaînes montagneuses, de pics volcaniques de canyons, et de plaines abyssales. 80 % des fonds marins sont à ce jour non cartographiés, d’après The Ocean Foundation 🗺️. Ces écosystèmes qui nous sont encore sous de nombreux aspects méconnus sont donc menacés, déjà, de dommages potentiellement irréversibles.

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Des impacts catastrophiques et irréversibles sur les écosystèmes

Manganèse, cuivre, cobalt, zinc et métaux des terres rares… L’extraction minière en eau profonde n’est pas sans impact sur les écosystèmes, et entraîne une désertification de ces précieux milieux, et une fuite de la faune marine, jusqu’à menacer la survie de certaines espèces 😱.

Aux termes d’une expérience menée sur une zone située à 900 mètres de fond, sur une surface de 130 mètres, pendant tout juste 1h49, des impacts délétères y ont été observés pendant plusieurs mois 🫣 : plus d’un an après cette opération, la densité des animaux marins fréquentant la zone était inférieure de 43 % à la normale, c’est-à-dire aux observations faites en amont de l’extraction. Les poissons, crevettes, crabes, et autres animaux ont littéralement déserté la zone. Les zones adjacentes, elles aussi, ont vu leur fréquentation réduite de 53%. Le constat est donc sans appel, et inquiète à juste titre.

La contamination des sédiments par les sous-produits miniers et déblais de forage pourrait expliquer en partie le phénomène : la nourriture présente sur le site serait alors de moins bonne qualité, voire toxique du fait des nuages de matières soulevés par les machines, provoquant un exode de la faune marine vers des zones moins polluées. En effet, des panaches de sédiments affectent alors la zone, et on sait que les sédiments soulevés finissent par ensevelir et étouffer les êtres vivants sur des kilomètres, et ce même dans le cas d’expérimentations menées avec de simples herses 🥺.

Déjà, une équipe de scientifiques avait observé, en 2019, la mauvaise santé écosystémique d’un site concerné par une simulation minière, au large du Pérou, 26 ans après les faits (!), avec une faune bien moins diversifiée qu’initialement… Au-delà de ça, l’exploitation minière en eau profonde engendre également une importante pollution sonore et lumineuse.

Le rôle de puit de carbone de l’Océan en danger ?

Mais le second problème de taille présenté par l’exploitation minière des fonds marins, c’est que les sédiments au fond des océans, qui stockent du carbone, sont retournés dans l’opération, ce qui pourrait, d’après les experts, compromettre le rôle inestimable de puits de carbone naturel joué par l’océan 🌏.

L’autorité internationale des fonds marins sur le pont

C’est pourquoi l’Autorité internationale des fonds marins s’est réunie en Jamaïque au mois de juillet 2023 afin de débattre sur cette question. Cette organisation créée en 1994 au sein du système des Nations Unies, est composée de 168 membres, et plus précisément de tous les États partis à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Son objectif est notamment de réglementer l’exploration des ressources minérales des grands fonds marins situées dans « la Zone », elle-même définie par la Convention comme les fonds des mers situées au-delà des limites de la juridiction nationale, ce qui représente un peu plus de 50% de l’ensemble des fonds marins.

Les récents débats ont néanmoins échoué à élaborer un code minier sur l’exploitation des fonds océaniques, de nature à réguler cette activité. Au cours des négociations, 21 pays dont la France, l'Allemagne et le Chili ont plaidé pour un moratoire jusqu’à ce que les écosystèmes profonds soient mieux compris par la communauté scientifique, de nombreux autres pays se montrant de leur côté favorables à cette exploitation, telles que la Chine, la Norvège, le Royaume-Uni ou le Mexique. Ainsi, malgré les risques identifiés par les experts, l’Autorité a adopté le 21 juillet 2023 une feuille de route visant à l'adoption en 2025 des règles encadrant l'extraction minière sous-marine 🤝 afin de combler le vide juridique actuel et d’encadrer cette pratique. Pas de feu vert immédiat pour labourer les fonds marins, donc, mais ce n’est qu’une courte accalmie, sachant que dans l’intervalle, les entreprises pourraient profiter du flou entourant cette pratique pour démarrer sans délai leur activité…

À noter que l’Autorité internationale des fonds marins a à ce jour d’ores et déjà approuvé près d’une quarantaine de contrats d’exploration dans les océans Pacifique, Indien et Atlantique, pour une superficie de fonds marins totale de plus de 1,3 million de km2.

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À retenir

L’information est connue depuis plus de 60 ans, mais n’avait jamais autant intéressé qu’aujourd’hui. Les fonds marins, abyssaux, aux confins de nos océans, sont riches en minerais précieux et rares : cuivre, cobalt, nickel, manganèse, zinc, terres rares… Des gisements particulièrement prisés dans un contexte où d’une part, la demande explose, et où d’autre part, les réserves terrestres s’amenuisent, et deviennent de plus en plus inaccessibles. Or, l’extraction minière en eau profonde est une pratique susceptible de dévaster durablement des écosystèmes entiers, et un univers encore en bonne partie inconnue des scientifiques. L’autorité internationale des fonds marins jouera un rôle clé dans les prochaines années dans l’encadrement de ces pratiques. Et si, pour une fois, on réfléchissait un peu AVANT la catastrophe ?


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Sources : reporterre.net, francetvinfo.fr, sciencesetavenir.fr

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