🪨 Empiler les pierres : une tendance ?
Une pile de pierres jouant les équilibristes en pleine nature, au détour d’un sentier, avouez, c’est plutôt insolite et peut faire sourire. Comme nous, vous avez peut-être même déjà empilé les cailloux et photographié votre œuvre d’art avec fierté. Pourtant, ce petit clin d'œil entre randonneurs de passage a été victime de son succès notamment sur Instagram.
À l’heure actuelle, les hashtags #rocktacking et #rockbalancing (en français “empilement de pierres” ou “équilibre de pierres”) ont dépassé les 108 000 occurrences sur Instagram.
Un petit geste devenu une véritable tendance nuisible à la nature autant qu’à l’homme et encore plus si le cairn n’est pas réalisé au bon endroit, au bon moment (pendant la ponte des œufs par exemple). Le sujet est devenu si préoccupant que l’écologiste Nick Clemann du Arthur Rylah Institute for Environmental, en Australie, s’en empare pour lever l’alerte dans certains grands médias d’actualité. Plutôt contre-productif lorsqu’on sait que les randonneurs concernés viennent justement chercher le contact avec la nature.
🏡 Bien plus qu’une pierre : un toit
En montagne comme à la plage, les pierres constituent un habitat pour des dizaines voire même des centaines d’espèces visibles et invisibles à l'œil nu. Véritable rempart au vent ou aux prédateurs, les pierres ont une utilité.
Déplacer une pierre, c’est déloger ou mettre en danger certaines espèces animales dont certaines, déjà en danger, qui ne pourront plus s’y abriter. Et lorsque ces espèces sont menacées, c’est tout l’écosystème local qui peut être altéré.
En Australie ou en Ontario, c’est le cas pour les scinques, une espèce de lézard ou de salamandre qui vit sous les roches et les arbres tombés. Solitaires, les individus de l’espèce ne se réunissent qu’au moment de la reproduction et la mère pond une douzaine d’œufs. Sous les rochers avant de poursuivre sa route. Ainsi, les petits sont livrés à eux-mêmes dès la naissance et aux nombreux prédateurs tels que les serpents, les oiseaux ou les renards.
🌱 La flore : Les pierres ont un rôle dans la re-végétalisation des sols. Vous le saviez ? En retenant les graines, elles assurent la descendance de certaines plantes.
🔺 Des empilements trompeurs
On pourrait être tenté de penser qu’en remettant les pierres où on les prend, la nature n’y verra que du feu. Et pourtant, les écologistes sont formels : à chaque pierre déplacée le mal est déjà fait.
Par ailleurs, aussi photogénique soit-il, cet amas de pierre a pour utilité première d’aider les randonneurs à se repérer. Ainsi, déplacer les pierres et multiplier les cairns peut tromper les promeneurs et l’objet perd sa fonction de repère.
🌊 De la pierre à l’eau
Lorsque la mer se retire, l’estran devient le théâtre d’un écosystème foisonnant et discret. Nichées au creux des pierres et rochers, de nombreuses espèces animales et végétales s’y cachent du soleil, du vent et de l’homme. Déplacer les rochers à marée basse, c’est mettre en danger toutes les algues, mollusques, crustacés et la microfaune qui vient s’y réfugier.
Dans une rivière aussi, bouger les pierres peut aussi priver certaines espèces aquatiques de leur abri et les rendre plus vulnérables aux courants comme aux prédateurs. Et ce n’est pas tout. Les pierres régulent aussi le cours de la rivière.
Enfin, prélever des galets dans une falaise, une paroi ou sur le sol peut également favoriser l’érosion. Dans la commune d’Oléron, en Charente-Maritime, par exemple, des dizaines de mètres cubes de galets ont été déplacés qui formaient un cordon où venaient se briser les vagues, protégeant ainsi le littoral.
À retenir :
Pierre qui roule n’amasse pas mousse… Et rocher retourné non plus ! Recouvertes d’algues et d’une microfaune florissante, appréciées des crustacés et mollusques qui viennent s’y nicher, les pierres du bord de mer, aussi immobiles soient-elles, renferment des trésors de biodiversité. Plus qu’un geste de maniaquerie, ne pas retourner les pierres et rochers de l’estran c’est préserver l’habitat de toutes ces espèces visibles et invisibles à l'œil nu. Quand on sait que près de 80 espèces sous-marines se réfugient sous les rochers à marée basse, ce n’est pas si anodin. Qui aurait cru qu’un geste aussi simple et basique qu’une pierre retournée pouvait menacer la biodiversité ?
Explorer - protéger - se ressourcer #BornToBeWild
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Sources : Sud Ouest - Fondation pour la nature et l’homme - Pêche à pied responsable
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