Un projet de loi qui vise à restaurer la nature
La loi sur la restauration de la nature présentée le 22 juin 2022 par la Commission européenne prévoyait d’imposer aux Etats membres de l’Union européenne qu’ils restaurent les forêts, les zones humides, et les paysages marins et terrestres impactés par le développement humain. Le texte partait d’un constat alarmant : plus de 80% des habitats du continent seraient en mauvais état. Les restaurer participerait à lutter contre le réchauffement climatique et permettrait de sauver de nombreuses espèces actuellement en danger d’extinction.
Un texte qui s’avérait prometteur, car il était question de passer quand même un cap important : cette loi proposait de rendre les objectifs de restauration juridiquement contraignants, de sorte qu’elle sortait du lot et promettait une petite révolution du système actuel. Elle se voulait également source d’inspiration pour d’autres, et espérait insuffler une dynamique, un élan.
Une première à l’échelle mondiale, conserver ne suffit plus
« C'est une première de ce type à l'échelle mondiale, et nous espérons qu'elle pourra inspirer un engagement international élevé en faveur de la protection de la biodiversité lors de la prochaine COP 15 », selon Virginijus Sinkevičius, commissaire chargé de l’environnement, des océans et de la pêche. Une étape majeure, d’après le WWF, qui appelle à son adoption rapide et y voit une réelle avancée pour lutter contre le réchauffement climatique et permettre la résilience de la biodiversité 💪.
Le texte partait de la constatation suivante : conserver ce qui reste n’est plus suffisant, il faut aujourd’hui s’engager dans une restauration des zones déjà endommagées 💪. En particulier, les mesures devaient se porter en priorité sur les écosystèmes susceptibles d’avoir le plus d’impact en matière de stockage du carbone, de réduction des effets des catastrophes naturelles qui risquent de se multiplier, ainsi que nous le savons. Qu’en reste-t-il aujourd’hui, à l’issue des vifs débats qui ont entouré sont adoption 🤔 ?
La loi sur la restauration de la nature, un texte édulcoré mais fondateur
L’accord qui a finalement péniblement émergé le 9 novembre 2023 des débats animés ayant entouré les négociations (pendant une dizaine d’heures, quand même) débouche sur une version édulcorée du texte initial, en raison notamment de l’hostilité des eurodéputés conservateurs. Le texte est par exemple doté d’une sorte de « frein d’urgence » en cas de menace exceptionnelle sur la sécurité alimentaire. De plus, les obligations de résultat qui étaient initialement prévues ont été remplacées par des obligations de moyens. « Le texte le plus ambitieux pour la biodiversité depuis trente ans », d’après selon France Nature Environnement, a donc perdu de sa superbe 😕.
Même si les ONG se disent soulagées qu’un accord ait finalement été trouvé, elles déplorent le fait qu’on reste loin des prescriptions qui seraient rendues nécessaires par la situation actuelle, au regard de l’ensemble des données scientifiques dont nous disposons. Un texte qui ne s’avère donc pas être à la hauteur de l’urgence écologique…
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Un texte qui pose un cadre global en faveur de la biodiversité
Cependant, même si les obligations de restauration y sont amoindries, il s’agit quand même d’un pas important en faveur des écosystèmes et de la biodiversité. Le texte est résolument fondateur : jusque-là, il n’existait aucun concept juridique de la restauration de la nature, rappelle Pascal Canfin, président de la commission de l’Environnement du Parlement. Un cadre global est désormais posé. Une série d’objectifs y est déclinée, et notamment 🎯:
- La restauration de 30 % des habitats terrestres et maritimes en mauvais état d’ici 2030, 60 % d’ici 2040 et 90 % d’ici 2050.
- La restauration progressive des tourbières, à hauteur de 30 % en 2030, 40 % d'ici à 2040 et 50 % d'ici à 2050, de manière à renforcer la biodiversité et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
- L’inversion du déclin des populations de pollinisateurs d’ici 2030.
- L’introduction des mesures ciblées pour augmenter deux de ces trois éléments : les populations de papillons des prairies, les caractéristiques respectueuses de la nature telles que les haies sur les terres agricoles, et le stockage du carbone dans les sols.
- L’amélioration de la biodiversité des écosystèmes forestiers, en laissant par exemple davantage de bois morts dans les forêts ou en plantant trois milliards d’arbres supplémentaires d’ici 2030.
- Une augmentation de l'indice des oiseaux communs des milieux agricoles au niveau national.
- La reconnexion des 25 000 kilomètres de rivières européennes.
- Une mise en cohérence des stratégies entre Etats qui devront s’entendre sur des mesures communes : les pays devront donc se mettre d’accord pour interdire les activités de pêche destructrices sur les aires marines protégées.
- Une compensation des dégradations liées à l’artificialisation des sols. A cet effet, chaque Etat membre aura ainsi l’obligation de construire un plan de restauration présentant des objectifs quantitatifs et qualificatifs écosystème par écosystème.
Un texte finalement adopté par le Parlement, par 329 eurodéputés pour contre 275, malgré les gros efforts fournis par la droite et l’extrême droite pour le faire capoter jusqu’à la dernière minute. Le groupe macroniste, notamment, n’a pas lésiné sur les moyens pour s’y opposer, et ce malgré les importantes concessions déjà obtenues il y a quelques mois par rapport au texte initial 😠.
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Du lien étroit entre biodiversité et climat
Pourquoi la restauration de la biodiversité œuvrerait-elle contre le dérèglement climatique ? Tout simplement parce qu’en restaurant la nature, des puits de carbone réapparaissent afin de participer à absorber le CO2 présent dans l’atmosphère. Par ailleurs, les écosystèmes résilients sont plus à même de résister aux effets du réchauffement du climat, et d’ériger un rempart contre les catastrophes naturelles. Outre le fait que seuls des écosystèmes sains seront à même de nous fournir en nourriture et en eau potable sur le long terme, accessoirement…
Une restauration qui s'avérera payante
L’Homme étant ce qu’il est, il a rapidement fait le calcul : investir dans la restauration de la nature, c’est ajouter une valeur économique de 8 à 38 euros pour chaque euro dépensé, du fait notamment de la sécurité alimentaire engendrée, de la résilience des écosystèmes et de l’atténuation du dérèglement climatique, sans parler de la santé humaine 🤑. Plus de la moitié du PIB mondial dépend de la nature et des services qu'elle fournit.
À retenir :
La loi sur la restauration de la nature présentée le 22 juin 2022 par la Commission européenne a récemment débouché sur un accord. Alors que ce pacte vert, adopté le 27 février dernier par le Parlement, s’annonçait comme une première mondiale en rendant les objectifs de restauration juridiquement contraignants, la version qui émerge au terme de ces longs mois de discussion a perdu de son ambition initiale, tout en procurant un cadre fondateur à la protection de la biodiversité et des écosystèmes. On ne peut donc pas parler de véritable flop, malgré une version édulcorée des mesures initialement envisagées. Néanmoins, nos chances de succès dépendent intimement, nous le savons, de la rapidité avec laquelle nous prendrons conscience du fait que notre courte fenêtre d’action est déjà en train de se fermer.
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Sources : unep.org, france.representation.ec.europa.eu, wwf .fr
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