Lâespace, la nouvelle poubelle de lâhumanitĂ© ?
Voyages interstellaires, vols interplanĂ©taires⊠Les voyages spatiaux se sont succĂ©dĂ© dans une vĂ©ritable course Ă la conquĂȘte spatiale opposant principalement la Russie aux Etats-Unis đ©âđ. Une conquĂȘte spatiale qui pourrait dâailleurs devenir dans un avenir proche accessible au grand public, mais qui malheureusement sâaccompagne dâun important encombrement de lâespace.
La pollution spatiale dĂ©signe les dĂ©gradations causĂ©es par les activitĂ©s humaines au cours des explorations de lâespace. Elle comprend :
- Les dĂ©bris spatiaux, gĂ©nĂ©ralement en orbite basse ou zone LEO (Low Earth Orbit) - entre 700 et 1 000 km dâaltitude - ou en orbite gĂ©ostationnaire ou GEO (Geostationary Earth Orbit) - Ă 36 000 km, qui sont des objets fabriquĂ©s par lâHomme pour ĂȘtre lancĂ©s en orbite, et qui, nâayant pas vocation Ă ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ©s, se dĂ©sintĂšgrent. PiĂšces dĂ©tachĂ©es, morceaux de lanceurs aprĂšs avoir mis en orbite les satellites, fragments dâobjets, restes de satellites⊠Ils sont notamment issus dâexplosions d'engins spatiaux, de collisions ou de destructions par missile.
- La pollution des planĂštes et satellites, qui dĂ©signent des restes de sondes, des robots ou des dispositifs dâatterrissage abandonnĂ©s. Rien que sur la Lune se trouveraient plus de 200 tonnes de dĂ©chets đ !
- La contamination bactérienne, par le biais des objets terrestres.
Mais Ă©galement la pollution de la Terre đ, engendrĂ©e lors des lancements spatiaux, qui gĂ©nĂšre une forte quantitĂ© de CO2, dissĂ©mine des matĂ©riaux toxiques, radioactifs, ou encore par le biais de lâextraction des matĂ©riaux nĂ©cessaire Ă la confection des vaisseaux spatiaux.
Sans oublier la pollution lumineuse de la terre elle-mĂȘme, du fait de lâencombrement de lâespace par de trĂšs nombreux satellites, qui par ailleurs perturbe les observations des astronomes. Oui, des mĂ©ga-constellations de satellites se dĂ©ploient dans lâespace, et un point lumineux sur quinze dans le ciel nocturne sera bientĂŽt un satellite ! La lumiĂšre solaire est en effet rĂ©flĂ©chie par les satellites, et devient source dâune importante luminositĂ©, parfaitement visible Ă lâĆil nu.
Certains, issus de la dĂ©sagrĂ©gation de piĂšces et objets divers, mesurent quelques millimĂštres, quand dâautres peuvent atteindre plusieurs tonnes, Ă lâimage du satellite Envisat qui tourne autour de la terre tout en Ă©tant hors service.
Mais Ă qui appartient lâespace ?
Ă personne ! Et câest justement pour cela que chacun y va de sa petite mission spatiale : lâespace nâest juridiquement le territoire dâaucun gouvernement. On assiste mĂȘme Ă une commercialisation de lâespace, et des entreprises ou particuliers (extrĂȘmement riches, Ă©videmment đ
), se lancent dĂ©sormais Ă leur tour Ă sa conquĂȘte.
đ Yachts, jets privĂ©s⊠Quel est l'impact Ă©cologique des vacances des hyper riches ?
Dans quelles proportions ?
Tous ces dĂ©bris sont recensĂ©s et cartographiĂ©s en permanence đșïž, afin de permettre dâadopter des manĆuvres dâĂ©vitement, et accessoirement de ne pas les confondre avec des missiles ennemis, grĂące au rĂ©seau de surveillance spatiale des Ătats-Unis. L'agence europĂ©enne possĂšde Ă©galement un catalogue de 26 000 dĂ©bris.
Ainsi, environ 20 000 gros objets de plus de 10 cm soit de la taille dâun pamplemousse sont connus et cataloguĂ©s, mais on estime quâil y en aurait environ 34 000 en tout. Par ailleurs, 5 400 pour les dĂ©bris de plus dâun mĂštre flotteraient au-dessus de nos tĂȘtes. Pour les petits objets, le bilan est bien plus lourd : environ 900 000 dĂ©bris de plus de 1cm et 130 millions de plus de 1 mm joncheraient lâespace đȘ.
Lâapplication en ligne Wayfinder, lancĂ©e en 2022 par Steve Wozniak, le cofondateur dâApple permet de suivre en temps quasi rĂ©el la trajectoire des dĂ©bris spatiaux.
đ 7 applications pour reconnaĂźtre les Ă©toiles
Quel danger ?
Avec un tel capharnaĂŒm, les risques de collision sont de plus en plus importants. Et Ă une vitesse de dĂ©placement dâenviron 28 000 km/h, chaque collision, engendre de multiples nouveaux fragments qui, Ă leur tour, vont engendrer de nouvelles collisions. Câest ce quâon appelle le syndrome de Kessler đ€, ou la thĂ©orie de la rĂ©gĂ©nĂ©ration des dĂ©chets spatiaux. En effet, un objet de 1 cm de diamĂštre aura, alors, la mĂȘme Ă©nergie quâune voiture lancĂ©e Ă 130km/h. Les astronautes sont rĂ©guliĂšrement amenĂ©s Ă manĆuvrer pour les Ă©viter.
Outre le fait que cela prĂ©sente un rĂ©el risque pour lâintĂ©gritĂ© des hommes voyageant dans lâespace, et notamment depuis la station spatiale internationale, Ce sont en fait les nombreux services fournis par lâintermĂ©diaire des satellites - observation, services mĂ©tĂ©o, tĂ©lĂ©phonie, services bancaires⊠- qui pourraient, Ă terme, ĂȘtre mis Ă mal. Une simple collision en orbite peut dĂ©truire un satellite actif et rĂ©duire Ă nĂ©ant des milliards de dollars dâĂ©quipements đ”. Ainsi, sur sa durĂ©e de vie, un engin situĂ© entre 700 km et 1100 km dâaltitude a 8 % de chances dây ĂȘtre dĂ©truit par un dĂ©bris, selon Christophe Bonnal, expert Ă la direction de la stratĂ©gie au Cnes, lâagence spatiale française.
Ă terme, si lâorbite terrestre devient saturĂ©e dâobjets, nous ne pourrons tout simplement plus lâutiliser. Par ailleurs, les satellites hors service ne disparaissent pas, et mĂȘme en les Ă©vacuant vers une orbite cimetiĂšre hors des trajectoires des autres satellites en activitĂ©, compte tenu du fait quâils sont principalement composĂ©s d'alliages d'aluminium, ils risquent de former des particules d'alumine en dissĂ©minant dans la haute atmosphĂšre, une mauvaise nouvelle pour lâozone et pour le climat !
đ Bonne nouvelle, le trou de la couche d'ozone se rebouche !
Comment prévenir les risques de collision ?
Des techniques dâautomatisation permettant aux satellites de dĂ©finir une stratĂ©gie dâĂ©vitement de maniĂšre autonome sont gĂ©nĂ©ralement mises en place : les satellites Starlink, par exemple, sont Ă©quipĂ©s d'un systĂšme automatique anti-collision. Starlink, vous savez ? La constellation de satellites d'Elon Musk composĂ©e de milliers de satellites de tĂ©lĂ©communications Ă environ 550 kilomĂštres dâaltitude, et qui projette de connecter au haut dĂ©bit la totalitĂ© de la planĂšte ! GrĂące Ă cet accord, les satellites de la Nasa devraient pouvoir fonctionner sans interruption de service đ°ïž.
La Nasa et SpaceX ont dâailleurs trouvĂ© un accord pour limiter les risques de collision entre leurs satellites respectifs, et mieux gĂ©rer les manĆuvres d'Ă©vitement des satellites Starlink đ€. Par ailleurs, les Nations unies ont Ă©mis des recommandations internationales pour limiter la prolifĂ©ration des dĂ©bris, mais les rĂšgles Ă©laborĂ©es ne sont pas contraignantes.
Ă qui la faute ?
DâaprĂšs les estimations, il semblerait que lâon doive 36% de ces dĂ©chets Ă la Russie, au coude Ă coude avec les Etats-Unis, pour 33%, suivis de prĂšs par la Chine, pour 24%. Certains Ă©vĂšnements, notamment, ont causĂ© dâimportantes quantitĂ©s de dĂ©bris, comme la collision, en 2009, du satellite russe hors dâusage Kosmos-2251 et du satellite Iridium-33, fonctionnel, qui a engendrĂ© environ 600 dĂ©chets spatiaux. Ou encore la destruction par la Russie de son ancien satellite Cosmos 1408 Ă l'aide d'un missile en 2021, Ă©parpillant 1 500 nouveaux dĂ©bris, et contraignant les astronautes de l'ISS Ă se mettre Ă l'abri d'une collision.
Mais la palme revient sans doute aux essais chinois de missiles antisatellites, et qui ont engendrĂ© la destruction du satellite Fenguyn-1C en 2007 : 2300 gros dĂ©bris ont alors Ă©tĂ© gĂ©nĂ©rĂ©s, de mĂȘme que quelque 35 000 dĂ©bris dâau moins 1 cm, et plus dâ1 million de dĂ©bris de taille millimĂ©trique. Une belle dĂ©monstration de puissance ! Pourtant, parmi les quelque 36 000 objets de plus de 10 cm qui jonchent actuellement lâespace, on compte seulement 8100 satellites actifs.
Les débris risquent-ils de retomber sur Terre ?
Ă 1.200 km dâaltitude, un objet mettra environ 2000 ans avant de retomber sur Terre. Câest pourquoi au moment oĂč les satellites arrivent en fin de vie, ils sont en principe dĂ©sorbitĂ©s aprĂšs 25 ans, mais il ne sâagit pas dâune rĂšgle contraignante. Donc sur le principe, les risques sont faibles.
NĂ©anmoins, dâaprĂšs Florent Deleflie, astronome Ă lâobservatoire de Paris, il faut savoir que le nombre dâentrĂ©es non contrĂŽlĂ©es est en fait trĂšs important : environ un objet de taille significative en fait lâobjet chaque semaine. On estime quâune partie des dĂ©bris spatiaux situĂ©s en orbite basse finiront probablement par retomber sur Terre, mais en principe, les objets se consument alors dans lâatmosphĂšre du fait de la vitesse de la chute, bien que certains mĂ©taux rĂ©sistent mieux que dâautres aux trĂšs fortes tempĂ©ratures. Un processus risquant de provoquer des entrĂ©es atmosphĂ©riques non contrĂŽlĂ©es, Ă lâimage de la fusĂ©e chinoise, qui sâĂ©tait Ă©crasĂ©e dans lâocĂ©an en mai 2021. MalgrĂ© tout, jusque-lĂ , aucune collision avec un ĂȘtre vivant ou un bĂątiment nâa jamais Ă©tĂ© observĂ©e. Non, le ciel ne risque pas de nous tomber sur la tĂȘte, par Toutatis.
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Ă retenir
On nâen a pas lâimpression, comme ça, mais des milliers de dĂ©chets flottent au-dessus de nos tĂȘtes. Regarder les Ă©toiles avec un tĂ©lescope par une belle nuit dâĂ©tĂ© deviendra-t-il un jour mission impossible ? On se le demande ! Depuis 60 ans que lâHomme a entrepris sa conquĂȘte spatiale, des milliers de dĂ©chets sâamoncellent dans lâespace, au point que les risques de collision avec et entre les satellites deviennent, Ă certaines altitudes, omniprĂ©sents. Mettant en danger les missions spatiales et les spationautes, il sâagit Ă©galement dâun problĂšme qui pourrait mettre en pĂ©ril lâutilisation que nous faisons de lâespace et les nombreux services quâil nous rend : tĂ©lĂ©communications, positionnement, prĂ©vision mĂ©tĂ©orologique, observation astronomique, microgravitĂ©, ocĂ©anographie, altimĂ©trie, renseignement⊠Pourquoi nâenvisagerions-nous pas lâespace comme une ressource naturelle Ă protĂ©ger ?
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Sources : geo.fr, caminteresse.fr, greenly.earth, ideas4development.org, youmatter.world, futura-sciences.com, lindependant.fr, journal-espace.fr, lefigaro.fr