C’est quoi, un écocide ?
Composé par le préfixe « éco », du grec « oikos », qui signifie « maison, habitat » et par le suffixe « cide », du latin « caedere », « tuer », le terme « écocide » désigne le fait de « tuer notre habitat ».
Il s’agit du meurtre, voire de l’assassinat, de l’environnement 🌍. Comment exclure, en effet, le caractère intentionnel de ces atteintes à l’heure où les scientifiques n’ont de cesse de nous alerter sur la portée de nos actes sur la planète ?
L’écocide, enfin inscrit en droit européen
Le 29 mars dernier, dans le cadre de la révision de la directive 2008/99/CE1 sur la criminalité environnementale, le Parlement européen s’est prononcé sur la définition de l’écocide, et l’a assorti de sanctions plus sévères 🥳. Faisant suite à une proposition de la Commission européenne présenté fin 2021 pour améliorer la lutte contre les crimes environnementaux, il a inscrit, à l’unanimité, la notion d’écocide dans le droit européen.
En novembre dernier, les instances ont entériné un accord sur la criminalité environnementale, reconnaissant l'écocide comme une infraction aggravée dans le droit Européén. La notion d'écocide étant définie dans le texte comme « une infraction dite qualifiée visant à incriminer les atteintes graves à l'environnement - la destruction, ou des dommages étendus et substantiels qui sont soit irréversibles, soit durables - conduisant à des conséquences environnementales catastrophiques ».
Pour que les crimes contre l’environnement ne soient pas impunis
L’étau se resserre pour les pollueurs ! Qui dit infraction, dit sanctions à l’encontre des particuliers et des entreprises qui se rendraient coupables de crimes contre l’environnement. Des sanctions qui, en fonction de la gravité des faits, vont de la simple amende à la peine d’emprisonnement.
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Le fruit de 50 ans de discussions
De nombreux activistes écologistes, mais aussi juristes, philosophes, sociologues, écologues militent depuis la seconde moitié du XXème siècle pour que l’écocide soit reconnu. Cette grande avancée est donc le fruit de cinquante ans de discussions internationales.
Cinquante ans pendant lesquels la planète a enduré les pires sévices jamais perpétrés à son encontre, la plupart du temps en totale impunité, au point de nous retrouver aujourd’hui au pied du mur : dérèglement climatique, sixième extinction de masse, acidification des océans, déforestation…
Saviez-vous par exemple, que dans l’affaire du chlordécone, un insecticide organochloré dont les effets toxiques pour l’Homme et la persistance dans l’environnement étaient connus, et qui a néanmoins continué d’être utilisé aux Antilles, les plaintes déposées en 2006 viennent d’aboutir à un non-lieu en janvier dernier ?
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Une définition juridique très large
Désormais, la définition juridique de l’écocide figure parmi les infractions énoncées dans la directive européenne sur les crimes contre l’environnement, sous ces termes : « Les États membres veillent à ce que tout comportement causant des dommages graves et étendus, à long terme ou irréversibles, soit traité comme une infraction d’une gravité particulière et sanctionné comme telle conformément aux systèmes juridiques des États membres ».
Son champ d’application est particulièrement large, la notion de « dommage environnemental » couvrant à la fois des atteintes à la santé humaine mais également les dommages « à la qualité de l’air, à la qualité du sol ou la qualité de l’eau, à la biodiversité, aux services et fonctions des écosystèmes, aux animaux ou aux plantes, et qui est nuisible à tout ce qui pousse, fleurit et vit » 💪.
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Faire reconnaître l’écocide par la Cour pénale internationale
L’objectif ultime pour les eurodéputés verts serait de parvenir à voir reconnaître l’écocide dans le statut de la Cour pénale internationale en tant que cinquième crime reconnu, aux côtés du crime contre l’humanité, du génocide, du crime de guerre et du crime d’agression.
L’environnement ne peut plus attendre
Une législation plus que bien venue dans une nouvelle ère géologique marquant l’avènement de l’Homme comme principale force de changement sur Terre, surpassant désormais les forces de la nature 👉 Anthropocène : qu'est-ce que c'est ?
Il est peut-être temps, en effet, que le droit pénal s’empare réellement de cette question et fixe enfin des limites aux nombreuses dérives dont les effets délétères sont désormais connus de tous. La destruction massive d’écosystèmes entiers, de la biodiversité, et d’une manière générale, toutes les atteintes majeures à l’environnement ne peuvent plus demeurer impunies dans le contexte d’urgence climatique et écologique qui caractérise notre époque.
L’écocide est-il reconnu en droit français ?
En droit français, l’écocide est actuellement reconnu en tant que simple délit, et défini aux articles L 231-1 et suivants du Code de l’environnement, par le fait, « en violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, d'émettre dans l'air, de jeter, de déverser ou de laisser s'écouler dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou plusieurs substances dont l'action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune », lorsque ces faits sont « commis de manière intentionnelle ».
Constitue également un écocide « le fait d'abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets (…), le fait de gérer des déchets (…) sans satisfaire aux prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de prise en charge des déchets et les procédés de traitement mis en œuvre (…) lorsqu'ils provoquent une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l'air, du sol ou de l'eau », lorsque ces infractions sont « commises de façon intentionnelle » et « lorsqu'elles entraînent des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l'air, du sol ou de l'eau ». Entendez comme « durable » des effets susceptibles de durer au moins 7 ans…
Autrement dit, une reconnaissance juridique, certes, mais dont la définition est particulièrement restrictive et inefficace, et qui gagnerait à être élargie 👎.
À retenir
L’écocide pourrait bientôt être reconnu par le droit européen, ce qui imposerait à chacun de ses pays membres de le retranscrire en droit interne. Avec l’adoption d’une définition plus large et de sanctions plus sévères, le Parlement européen, qui fait suite à une proposition de la Commission européenne présentée en décembre 2021, fait naître un réel espoir de voir enfin les atteintes à l’environnement sanctionnées de manière proportionnée. Alors qu’actuellement le vide juridique qui existe en la matière profite aux pollueurs du monde entier, l’urgence écologique et climatique nécessite une réglementation internationale forte et cohérente. Une nouvelle infraction qui doit encore être confirmée par un accord du Conseil représentant les États membres de l’UE…
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Sources : euractiv.fr, dalloz-actualite.fr, theconversation.com, actu-environnement.com
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