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Un acte probablement délibéré : un crime environnemental
Repérée par un navire des garde-côtes suédois, cette fuite massive en provenance des gazoducs qui alimentaient jusqu’à récemment l’Europe inquiète à juste titre, et son impact sur le climat demeure difficile à évaluer. Pourront-ils être colmatés ? Sont-ils perdus à jamais ? Nul ne saurait le dire pour l’instant. Mais les explosions perçues lundi à 2 h 03 puis 19 h 04 par la station sismique de Bornholm laissent penser que cette catastrophe environnementale pourrait être le fruit d’un acte délibéré, faisant suite à deux explosions ou détonations 💣. Un acte de sabotage sur fond de guerre en Ukraine est ainsi fortement suspecté, et les regards se portent naturellement vers la Russie… D’autant que les fuites sur ce type d’infrastructures en acier et en béton, particulièrement solides, sont très rares.
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Le méthane, l’ennemi juré du climat
Une chose est sûre, le méthane n’est pas l’ami du climat 🌍 : son effet sur le réchauffement climatique est bien plus important à court terme que celui du pourtant redouté dioxyde de carbone (CO2). Il est responsable à lui seul d’un tiers du réchauffement climatique depuis l’ère préindustrielle. Son pouvoir réchauffant lui est 30 fois supérieur, même s’il ne reste « que » 10 ans dans l’atmosphère. Il est ainsi 80 fois plus dangereux que le CO2 en termes d’effet de serre sur une période de vingt ans. 👉 Empreinte carbone : qu’est-ce que c’est ? Comment la calculer, la réduire ?
Donc les fuites massives de méthane, on n’aime pas. D’autant que le grand méchant méthane brut est encore plus redouté que le méthane brûlé, qui se serait alors transformé en simple CO2.
Les quantités de méthane en question
Un bain bouillonnant géant a agité la surface de la mer Baltique sur environ 700 x 520 mètres sans discontinuer pendant plusieurs jours. Combien de méthane (CH4) s’est réellement échappé ? Difficile à dire… Les experts débattent encore des volumes ayant été relâchés. Ces gazoducs étaient tous deux à l’arrêt mais étaient néanmoins remplis de gaz fossile afin d’assurer une pression minimale. Et compte tenu des importantes chutes de pression enregistrées dans les gazoducs, les fuites sont massives 😟.
On parle de 100.000 à 120.000 tonnes de méthane concernant le Nord Stream 1, long de plus de 1 200 kilomètres. Le Nord Stream 2, quant à lui, n’était pas encore ouvert et avait pour objectif de doubler la capacité d’approvisionnement de l’Europe en gaz russe, et aurait une capacité de 200 000 tonnes, soit 300 millions de mètres cubes de gaz fossile. Les estimations vont bon train, et varient au gré des sources, les organisations de défense du climat dénonçant des fuites encore supérieures Impossibles à colmater, les fuites ont perduré jusqu’à épuisement du méthane, ou plutôt jusqu’à ce que la pression de l’eau ferme les brèches et empêche le gaz qui subsiste de s’en échapper 🌊. D’après Greenpeace, la quantité de gaz libérée correspondrait à l’effet de près de 30 millions de tonnes de CO2.
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Désastre environnemental ou goutte d’eau dans un Océan d’émissions ?
Ce gaz très polluant a fait bouillonner la mer Baltique des jours durant, sur près d’un kilomètre de diamètre pour le plus vaste. Les fuites intervenues, bien qu’approximatives, correspondent à l’émission de 28,5 millions de tonnes d’équivalent CO2, soit les émissions annuelles d’une grande centrale à charbon. Cet incident annulerait à lui seul 50 % des efforts annuels de réduction des émissions de CO2 de l'ensemble des Vingt-Sept. Il représenterait l’équivalent des émissions annuelles de 1,4 million de voitures, d’après le climatologue Zeke Hausfather ayant participé aux travaux du Giec 😢.
D’après les calculs, le pic d’impact de ces fuites se produira autour de 2030, accélérant encore davantage le phénomène de réchauffement climatique.
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Un incident significatif à mettre en perspective
Néanmoins, si certains observateurs s’alarment de conséquences potentiellement fortes sur le climat, d’autres experts estiment que cette hausse sera toutefois minime. « D'un point de vue climatique, ce n'est pas nul, mais ce n'est pas majeur », affirme en effet Philippe Bousquet, directeur du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE). Jeffrey Kargel, du Planetary Research Institute d'Arizona, estime également que cette fuite, certes importante, n’est pas le désastre climatique auquel on pourrait penser.
Il ne s’agirait proportionnellement que d’une goutte d’eau en comparaison des émissions qui réchauffent chaque jour la planète 🌍. Une fuite significative, certes, mais ne représentant qu'environ 1% des émissions annuelles de méthane liées au secteur des hydrocarbures en Russie en 2021, par exemple. Cet incident doit donc être mis en perspective : des chercheurs du CNRS ont récemment mis en lumière l’existence de 1800 panaches de méthanes dans différents endroits du globe, visibles sur des images satellites, dont les plus émetteurs libèrent 12 milliards de mètres cubes de ce gaz par an provoqués par des opérations de maintenance et des fuites accidentelles. Soit un impact climatique comparable à celui de la circulation de 20 millions de véhicules pendant un an, tout de même 🚗 …
Les conséquences sur l’environnement de cette fuite massive devraient donc être limitées, dans la mesure également où le méthane se dissout en partie dans l’eau, réduisant en partie sa toxicité. Il se pourrait néanmoins que ces fuites aient eu des conséquences délétères pour les écosystèmes, étouffant les animaux qui ne seraient pas parvenus à fuir suffisamment vite 🐟. D’autant qu’on ne sait pas clairement quel mélange est transporté par les gazoducs…
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Un nuage de méthane géant traverse l’Europe
Toutefois, un impressionnant pic de méthane dans l’atmosphère a d’ores et déjà été détecté par le réseau européen d'observation des gaz à effet de serre 😷. Du fait des fuites, un gigantesque nuage de méthane survole actuellement l’Europe, ayant déjà parcouru le ciel de Finlande, du Danemark ou encore de la Suède, pour atteindre l’Italie 😶🌫️. Car non, ce nuage ne s'arrête pas aux frontières, contrairement à celui de Tchernobyl, n’est-ce pas…
Détecté par des capteurs atmosphériques, il contiendrait l’équivalent des émissions de méthane d'une année entière pour une ville de la taille de Paris ou d'un pays comme le Danemark, selon l'ICOS (infrastructure de recherche qui observe les flux des gaz à effet de serre). Même s’il ne présente pas un danger direct pour l’homme, il n’en est pas moins une menace pour l’environnement.
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La relance du débat sur le réchauffement climatique
Le plus gros impact de cet accident ou de ce sabotage est qu’il marque une nouvelle prise de conscience quant aux problèmes posés par l’utilisation des combustibles fossiles. Ces impressionnants geysers illustrent et relancent le débat au sujet des risques présentés par l’utilisation des combustibles fossiles, et sur la nécessité d’évoluer sur cette question pour l’avenir de la planète. Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, il serait nécessaire de réduire les émissions de méthane d’1/3 d’ici 2030. Il faut y voir avant tout un appel d’urgence à lutter contre le réchauffement climatique, aux conséquences de plus en plus pressantes…
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À retenir : Du 26 septembre au 1er octobre 2022, des fuites massives de méthane se sont déversées dans l’atmosphère, provenant des gazoducs Nord Stream 1 et 2, dans la mer Baltique, qui relient la Russie et l'Allemagne. Explorer - protéger - se ressourcer #BornToBeWild |
Sources : futura-sciences.com, reporterre.net, lemonde.fr, huffingtonpost.fr, courrierinternational.com, lesechos.fr, huffingtonpost.fr, ladepeche.fr, francetvinfo.fr, libération.fr, geo.fr