Et si on jouait avec le climat ?
La géo-ingénierie solaire est une technique de manipulation du climat qui consisterait, si elle était mise en œuvre, à envoyer des aérosols dans la stratosphère afin de provoquer un refroidissement de la planète 🥶.
En effet, en relâchant des particules soufrées dans cette dernière, il s’agirait de réfléchir une partie des rayons du soleil avant qu’ils ne nous parviennent dans le but de refroidir le climat. Ainsi, avec une dose précise de dioxyde de soufre dans la moyenne ou la haute atmosphère terrestre, il s’agirait donc d’épaissir artificiellement la couche de particules d’aérosol réfléchissant la lumière, et donc de limiter l’effet de serre. 👉 Empreinte carbone : qu’est-ce que c’est ? Comment la calculer, la réduire ?
De là à dire qu’il s’agit de la solution miracle au réchauffement climatique, il n’y a qu’un pas ! Mais plutôt un pas de géant…
🤓 Le saviez-vous ? La géo-ingénierie n’est pas forcément solaire, et d’autres pistes sont également évoquées. Par exemple, fertiliser l’océan en ajoutant des éléments de fer à sa surface, ou encore pomper les eaux fraîches profondes pour les faire remonter, elles aussi, à la surface, permettrait de stimuler la production de phytoplancton, et donc de contribuer à la séquestration de plus de dioxyde de carbone (CO2). Ou encore l’alcanisation artificielle des océans afin, ici aussi, de renforcer leur rôle de puits de carbone.
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Ces techniques de modification volontaire du climat sont toutefois très controversées, que ce soit d’un point de vue scientifique ou éthique. 👉 Est-il encore possible de stopper le réchauffement climatique ?
Piste sérieuse, ou simple produit du désespoir ambiant ?
🛩️ Ainsi, grâce à des avions spéciaux capables d’atteindre la stratosphère, il serait possible d’y déverser des composés chimiques, et notamment des sulfates, un procédé considéré comme tout à fait réalisable d’un point de vue strictement technologique. Dans la balance, comme toujours, des enjeux économiques de taille 🤑 : le réchauffement climatique promet d’incommensurables pertes futures, bien supérieures au coût estimatif de la géo-ingénierie solaire.
👉 Quelles sont les 5 causes principales du réchauffement climatique ?
D’où nous vient cette riche idée ?
De l’activité volcanique, capable, par le même procédé, de refroidir temporairement les températures de surface, comme la planète l’a maintes fois éprouvé à travers les âges.
C’est notamment à un phénomène similaire que l’on doit en partie la disparition de nombreux dinosaures, bien avant l’astéroïde étant entré en collision avec la terre dans la péninsule du Yucatán, au Mexique, qui ne leur aurait en fait asséné que le coup de grâce : de gigantesques explosions volcaniques en Inde, en rejetant de la lave et des cendres, auraient éjecté des tonnes de dioxyde de soufre dans la stratosphère, et provoqué des variations colossales du climat. En effet, la forte augmentation des matières particulaires en suspension dans l’atmosphère bloquant le rayonnement du soleil, aurait initié de longues vagues de froid. Une happy end qui fait envie, n’est-ce pas 😅 ?
Plus récemment, les effets de l'activité volcanique du Pinatubo en 1991 ont entraîné une baisse de 0,5°C de la température mondiale au cours des années suivantes. Autrement dit, donner un coup d’arrêt franc et immédiat aux émissions de gaz à effet de serre serait trop simple ! Non, après avoir émis des centaines de milliards de tonnes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère depuis l’ère préindustrielle, au point de modifier le climat de la Terre 🌍, l’Homme propose aujourd’hui d’y injecter d’autres particules pour le trafiquer à nouveau, cette fois-ci volontairement, afin d’essayer de rafraîchir ce dernier 🤔. 👉 Le cycle du carbone : un élément essentiel à toute forme de vie
Une piste néanmoins activement soutenue par Bill Gates, qui fait don de millions d’euros à la recherche en ce domaine, menée notamment par un centre de l’université de Harvard, aux États-Unis.
La géo-ingénierie solaire, une technologie à ses balbutiements
Piste sérieuse ou technologie dangereuse ? Le cœur des scientifiques balance et les avis divergent sur ce point : si certains creusent cette piste et envisagent le recours futur à cette technologie afin de limiter le réchauffement climatique, d’autres ne cachent pas leur forte inquiétude.
En avril 2022 a eu lieu la première expérience grandeur nature en la matière, l’initiative émanant de Luke Iseman, un Américain dirigeant d’une start-up, Make Sunsets, qui a rempli deux ballons d’hélium et de dioxyde de soufre avant de les laisser s’élever dans les airs depuis le Mexique, en dehors de tout cadre et sans supervision scientifique. On joue donc déjà aux apprentis sorciers avec le climat.
Plus récemment, le MIT Technology Review vient de révéler qu’une expérience de géo-ingénierie solaire s’était tenue au mois de septembre au Royaume-Uni, en toute confidentialité, et encore une fois en l’absence de tout encadrement juridique. Un ballon, nommé SATAN (Stratospheric Aerosol Transport and Nucleation) a alors été lancé à haute altitude, et a libéré plusieurs centaines de grammes de dioxyde de soufre dans la stratosphère.
Il est par ailleurs tout à fait possible – pour ne pas dire probable - que d’autres déploiements soient menés de manière confidentielle. C’est ce genre d’initiatives que craint justement un collectif de scientifiques, chercheurs et personnalités dans une lettre ouverte publiée début 2022 qui en appellent à un véritable accord international de non-utilisation de la géo-ingénierie solaire afin d’éviter que ces technologies risquées ne soient tentées par-delà la planète de manière complètement dérégulée.
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Les risques inhérents à cette technologie
La géo-ingénierie solaire pourrait devenir un instrument de politique climatique incontrôlable 😱.
Technologie non maîtrisée, le résultat pourrait être à double tranchant, et l’expérience pourrait très mal tourner pour toutes les formes de vie hébergées par notre belle planète : personne ne peut aujourd’hui se targuer de comprendre et de connaître les risques inhérents à la géo-ingénierie.
Dans un contexte où l’agriculture souffre déjà d’importants aléas climatiques et où l’eau se raréfie et devient une ressource plus que précieuse, la planète peine déjà à satisfaire les besoins essentiels de ses 8 milliards de terriens. Les effets de cette technologie sur les conditions météorologiques sont pour l’heure inconnus, notamment d’une région à une autre, a-t-on vraiment envie de jouer à ça ? Perturbation du comportement des moussons, des ouragans… Les régimes de précipitations et les schémas météorologiques régionaux pourraient bien s’en voir bouleversés de manière complètement imprévisible.
👉 Peut-on vraiment encore sauver la planète ?
Qui, au juste, va décider du climat planétaire ?
De surcroît, le contrôle de cette technologie devrait nécessairement être piloté depuis un système de gouvernance mondial, afin que son déploiement soit assuré de manière équitable et inclusive partout sur la planète de manière à garantir son efficacité. Car si ce sont les pays les moins puissants économiquement qui sont les moins influents sur la scène internationale, y compris scientifique, ce sont bien eux, pourtant, qui sont le plus exposés aux risques présentés par le réchauffement climatique.
De plus, une poignée de pays puissants pourraient décider unilatéralement de déployer cette technologie, malgré l’opposition des autres et en dépit du fait qu’aucun contrôle ne puisse être exercé sur la destination des aérosols injectés dans l’atmosphère. Des points de friction qui pourraient être source de conflits géopolitiques.
Comme le souligne justement M. Ambrizzi, de l'USP (University of São Paulo, au Brésil), si par exemple, le Brésil se lançait dans l’aventure, mais pas l’Argentine, les températures moyennes y baisseraient mais pourraient augmenter en Argentine, sans que le gouvernement de ce pays n’y ait consenti. Quid des pertes économiques engendrées ?
👉 Ce qu'il faut retenir du dernier rapport du GIEC
La géo-ingénierie solaire détournerait dangereusement l’attention de l’objectif principal
Imaginons seulement l’hypothèse selon laquelle, rassurés par la mise en place de la géo-ingénierie solaire qui refroidit le climat au fur et à mesure qu’il le réchauffe, l’Homme continue allègrement son carnage. Et que, pour une raison ou pour une autre (guerre, difficulté technologique, problème de gouvernance…), qui nous échappe encore aujourd’hui, nous arrêtions brusquement ce processus.
L’effet boomerang, vous connaissez ? Le réchauffement rapide de l’atmosphère qui en résulterait serait alors insoutenable pour l’environnement et les écosystèmes. La géo-ingénierie solaire revient, en fait, à mettre le climat sous perfusion, la moindre interruption s’avérant catastrophique.
Ce serait mettre le doigt dans un terrible engrenage : plus les émissions augmenteraient, plus les injections de soufre devraient s’intensifier, et moins nous ne pourrions nous arrêter au risque de risquer une augmentation brutale et radicale des températures.
Eureka ! Et si on limitait plutôt nos émissions de gaz à effet de serre ?
Que n’y avions nous pensé 😅 ? Ne paraît-il pas plus logique et intelligent, plutôt que de traiter un symptôme des émissions massives de gaz à effet de serre, d’affronter les causes premières du changement climatique, et de concentrer nos efforts sur la seule vraie solution : la réduction, dès aujourd’hui, des émissions de dioxyde de carbone ?
Des efforts qui ne doivent en aucun cas être dissuadés en faisant miroiter aux gouvernements et aux parties prenantes dans la lutte contre le dérèglement climatique qu’une solution miracle peut s’y substituer.
Une chose est sûre, le concept de géo-ingénierie solaire n’a pas fini de diviser et de déchaîner les passions !
À retenir :
La géo-ingénierie solaire consisterait à injecter des aérosols dans la stratosphère, afin de réfléchir une partie des rayons du soleil et de provoquer un refroidissement de la planète. En tant que véritable pompier pyromane, l’Homme y voit aujourd’hui une intéressante solution corrective potentielle du réchauffement climatique dont il est lui-même responsable. En modifiant – cette fois-ci volontairement – le climat à grande échelle, il espère gommer en partie ses erreurs passées et présentes. Une technologie dont les effets secondaires totalement incertains, et potentiellement irréversibles tant sur le plan environnemental que politique, demeurent méconnus. Toutes les armes sont-elles réellement permises face à l’urgence climatique ?
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Sources : lemonde.fr, reporterre.net, nationalgeographic.fr, numerama.com, bbc.com, iris-france.org, senat.fr, radiofrance.fr, futura-sciences.com