La climatisation, la fausse bonne idée
L’Homme, en tout temps, s’est toujours efforcé de s’adapter à son environnement, quitte à le façonner en profondeur. Ainsi, il essaye aujourd’hui de déployer des solutions techniques afin de mieux supporter l’augmentation des températures et les vagues de chaleurs qui se multiplient.🥵 Et réchauffement climatique oblige, le recours à la climatisation est de plus en plus répandu, tant chez les particuliers qu’en entreprise.
Le taux d’équipement des ménages ne cesse d’augmenter : selon l’Ademe, 25 % d’entre eux en possédaient en 2020, alors qu’ils n’étaient que 14% en 2016. Et encore, on est des petits joueurs à l’échelle mondiale 🌍 : l’Europe ne représentait en 2019 que 6% du marché de la climatisation, contre 24% pour les Etats-Unis. Un problème qui ne devrait pas aller en s’arrangeant, si on en croit les prédictions de l’Agence internationale de l’énergie, qui estime qu’il y aura d’ici 2050 environ 5,6 milliards de climatiseurs dans le monde, contre 1,6 milliard actuellement.
Or, dans ce cas de figure, il s’agit d’une mesure adaptative absolument pas vertueuse. En effet, s’il y a bien un appareil qui nuit au climat, c’est bien le climatiseur 🥶. Loin de régler le problème de fond, la climatisation est un outil qui promet d’en surmonter certains effets. Une fois encore, on s’attarde sur le symptôme plutôt que de s’attaquer au mal, et plus grave encore : on aggrave encore un peu ce dernier.
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Comment la climatisation nuit au climat
Des appareils très énergivores
Bien sûr, les climatiseurs sont à l’origine d’une importante consommation d’énergie. Et, comment dire, au moment précis où la sobriété énergétique est de mise, ça la fout un peu mal 😬. Tout comme l’hiver est ponctué de pics de consommation d’énergie au moment des vagues de froid, la période estivale connaît le même phénomène en cas de vagues de chaleur ou de canicule. Selon l’Ademe, la climatisation est aujourd’hui responsable de près de 5% des émissions d’équivalent CO2 du secteur du bâtiment. Selon la même source, en 2020, la consommation des climatiseurs du secteur résidentiel est ainsi évaluée à 4,9 TWh, dont 75% sont issue des maisons individuelles, et à 10,6 TWh pour le secteur tertiaire (à savoir qu’un TWh représente un milliard de kWh).
En Chine, la climatisation peut, en période de canicule, représenter la moitié de la demande d’électricité 😱. Si la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a rappelé récemment la règle selon laquelle les climatiseurs ne devaient pas être utilisés en dessous de 26°C afin de poursuivre nos efforts de sobriété énergétique, il n’en est pas moins que ces appareils polluent à plus d’un titre.
L’utilisation de fluides frigorigènes hautement polluants
Mais il y a pire, car les climatiseurs contiennent des fluides frigorigènes très polluants, qui finissent tôt ou tard par fuiter dans l’environnement, que ce soit au stade de la fabrication, de la maintenance ou de la fin de vie du produit. Il s’agit de redoutables gaz à effet de serre. Parmi eux, certains possèdent un pouvoir réchauffant plus de mille de fois supérieur à celui du CO2, et d’autres sont très polluants pour les cours d’eau et le sol.
Certains climatiseurs libèrent notamment de l’hydrofluorocarbure (HFC), au pouvoir réchauffant 2 500 fois supérieur à celui du CO2 🫣 (à noter qu’en France, les HFC représente pas moins de 5 % des émissions de gaz à effet de serre). En définitive, l’Ademe considère que les émissions de gaz à effet de serre relatifs aux fluides sont plus de 2 fois supérieures aux émissions liées à la consommation d’électricité.
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La formation d’îlots de chaleur urbains
Le système de climatisation repose sur un mécanisme de pompe à chaleur : pour résumer, il pompe l’air chaud de l’intérieur pour le rejeter à l’extérieur, venant en plus du reste accentuer la formation d’îlots de chaleur urbains 🤨. En d’autres termes, il s’agit d’une technologie qui, tout en permettant aux citoyens de mieux faire face aux épisodes de forte chaleur, aggrave en fait la situation.
Des normes de performances désuètes
Un autre problème d’importance en ce qui concerne la climatisation réside dans les exigences de performance énergétique actuellement prévues par la réglementation européenne, qui, datant de 2012, sont désormais totalement obsolètes et permettent aux appareils les moins vertueux d’obtenir d’excellents résultats 👏.
Les innovations technologiques à la rescousse
🌳 Quand on sait qu’un seul arbre mature au sein d’une plantation évapore 450 litres d’eau par jour, soit l’équivalent de 5 climatiseurs fonctionnant 20 heures par jour, on se dit qu’il doit bien y avoir d’autres solutions à développer ! Et fort heureusement, les chercheurs travaillent d’arrache-pied pour développer des technologies plus neutres pour l’environnement.👉 Pourquoi les arbres sont si importants au juste ?
C’est le cas notamment le cas du climatiseur adiabatique, un système de refroidissement par évaporation, qui utilise de l’eau, de l’air et un ventilateur 💪. À l’inverse des systèmes classiques, il refroidit l’air extérieur avec de l’eau, et ça change tout ! Dans ce cas de figure, aucun gaz frigorifère n’est nécessaire, et l’équipement consomme 80% d’énergie en moins. S’inspirant du phénomène naturel de la brise de mer, plus fraîche grâce à l’évaporation de l’eau sous l’effet du rayonnement solaire.
Autre piste actuellement développée par des scientifiques américains du Laboratoire national Lawrence Berkeley, en Californie : 🥶 le refroidissement ionocalorique, basé sur un flux d'ions qui proviennent d'un sel, et qui permettrait là encore de se passer du recours aux fluides frigorigènes. Une piste d’autant plus intéressante qu’elle utilise du carbonate d'éthylène, produit à base de dioxyde de carbone.
Miser sur la rénovation énergétique des bâtiments et l’écoconception
À l’inverse, miser sur une rénovation des passoires thermiques et sur les nouvelles normes de construction, à l’image de la récente réglementation RE 2020, est de toute évidence un pari gagnant / gagnant, permettant à la fois de s’adapter aux températures qui grimpent inexorablement, et sans creuser plus profond encore le trou de l’effet de serre. Pourtant, la France est à la traîne sur le chantier de la rénovation énergétique des bâtiments, et compte quelque 5 millions de passoires thermiques sur son territoire. 👉 Peindre les toits en blanc, la bonne idée ?
Du bon usage de la climatisation
En matière de climatisation, l’idéal est bien sûr de s’abstenir. Mais les canicules sont parfois tellement intenses qu’elles peuvent présenter un danger pour la santé de certaines catégories de personnes, comme les personnes âges ou les enfants en bas âge 😵. Si le recours à la climatisation s’avère indispensable, certaines règles de bonnes conduites sont à respecter pour limiter son impact sur l’environnement :
- N'allumer la clim que quand c’est indispensable et quand les mesures naturelles pour rafraîchir son intérieur et supporter la chaleur demeurent insuffisantes ;
- Faire entretenir son matériel par des professionnels ;
- En cas d’acquisition, prendre le temps de bien choisir le système le plus respectueux de l’environnement 🔍. Par exemple, un climatiseur mobile consomme 2.5 fois plus d’électricité qu’une pompe à chaleur réversible, et 30 fois plus qu’un bon vieux ventilateur !
- La sobriété vaut plus que jamais avec la clim, afin de limiter les consommations d’énergie : pour rappel, la loi prévoit qu’elle ne doit pas être actionnée si les températures sont inférieures à 26 degrés, et il est quoi qu’il en soit conseillé de ne jamais dépasser plus de 6°C d’écart entre les températures extérieures et intérieures.
À retenir
Le taux d’équipement en climatisation grimpe en flèche ces dernières années chez les ménages en raison de la multiplication des vagues de chaleurs et des canicules. Pourtant, il s’agit d’une aberration environnementale : En voulant rafraîchir l’air ambiant, la climatisation est très énergivore, et repose sur une technologie utilisant des fluides frigorigènes, très polluants et émetteurs de gaz à effet de serre. De plus, en évacuant l’air chaud vers l’extérieur des bâtiments, l’usage de la climatisation accentue les îlots de chaleur urbains. L’achat d’un climatiseur doit donc être une solution de dernier recours, et ne doit pas être fait dans l’urgence, de manière irréfléchie. Les techniques de refroidissement passives doivent toujours être privilégiées, et permettent la plupart du temps de maintenir une température tempérée dans les logements, même en cas de canicule.
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Sources : cnrs.fr, reporterre.net, futura-sciences.com, Ademe, radiofrance.fr, geo.fr, libération.fr