C’est quoi, le glyphosate ?
🤓 Le glyphosate est une substance active herbicide à large spectre d'action sur les végétaux. Elle est utilisée en zone agricole, forestière et non agricole pour éliminer les plantes indésirables. Présente dans plusieurs produits herbicides, il s’agit d’une molécule dont l’utilisation fait l’objet d’un virulent débat. Il est également enregistré en tant qu’antibiotique, en raison de sa capacité à empêcher la croissance de certains microorganismes, et de chélateur de métaux : il se lie aux éléments minéraux métalliques et les rend indisponibles biologiquement afin d’empêcher les plantes de les prélever dans le sol.
👉 Les mauvaises herbes sont-elles vraiment si mauvaises que ça ?
Comment fonctionne le glyphosate ?
La molécule pénètre les tissus de la plante grâce à l’ajout de substances qu’on appelle surfactants, afin de bloquer les processus biochimiques qui permettent à la plante de fabriquer plusieurs acides aminés, qui sont en fait les briques élémentaires de sa matière organique. Ne pouvant plus ni grandir, ni se défendre, la plante finit donc par mourir😵☠️.
👉 5 alternatives 100% naturelles aux pesticides dans le jardin
En quoi l’utilisation du glyphosate pose un problème ?
Malgré le fait que la Commission européenne considère visiblement que le niveau de risque présenté par le glyphosate ne justifie pas d'interdire cette substance utilisée dans la fabrication des herbicides #lobbying, il n’en est pas moins fortement soupçonné d’avoir des effets néfastes, tant sur la santé humaine que sur l’environnement 🤨.
Glyphosate.
Les effets sur la santé humaine
En premier lieu, ce sont les effets potentiellement génotoxiques du glyphosate qui sont montrés du doigt : autrement dit on l’accuse d’avoir la capacité à endommager l’ADN 🧬. De ce fait, il pourrait être impliqué dans l’apparition de différentes pathologies, et notamment de cancers. C’est pourquoi il a été classé dès 2015 comme « probablement cancérigène pour les humains » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Une étude de l’INSERM confirme de son côté l’existence de risques pathologiques : « La confirmation et la mise en évidence de présomptions fortes de liens entre certaines pathologies et l’exposition aux pesticides doivent orienter les actions publiques vers une meilleure protection des populations ».
👉 Comment faire son herbicide maison ? Les recettes
De l’autre côté, l’EFSA (l’autorité européenne de sécurité des aliments) a conclu à une absence d’existence de préoccupation critique au sujet du glyphosate, mais se base en fait sur des études identiques à celles fournies par l’industrie : autrement dit, elles évaluent uniquement le principe actif et non les formulations associant le glyphosate à d’autres produits chimiques 🙄. Rapport sur lequel s’est basée la Commission européenne pour formuler sa proposition de renouvellement… L’autorité reconnaît néanmoins une évaluation incomplète des risques alimentaires pour le consommateur.
Il s’ensuit qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune preuve que le glyphosate est sans danger pour la santé humaine. Mais dans le doute, utilisons-le, n’est-ce pas ?
Les effets sur l’environnement
Le problème du glyphosate, c’est qu’il cible sans discrimination l’ensemble des plantes 🎯. Seules celles ayant été modifiées génétiquement pour le tolérer peuvent lui résister. C’est pourquoi son utilisation s’accompagne d’un appauvrissement de la flore sauvage. Par ailleurs, il se dégrade mal une fois dans l’environnement, et vient polluer les eaux de surface. De ce fait, il perturbe le développement de certains animaux, notamment de certains amphibiens. S’agissant également d’un antibiotique, il dégrade la fertilité du sol, intimement liée à sa communauté bactérienne, et perturbe la flore microbienne des insectes pollinisateurs ou des vers de terre.
Une étude menée par l’ANSES a démontré que le glyphosate, pur ou intégré dans des herbicides, avait des effets immunitaires pouvant se répercuter sur plusieurs générations de la truite arc-en-ciel 🐟. Par ailleurs, une récente étude du CNRS fait état d’une décimation des populations d’oiseaux dans les zones d’agriculture intensive.
Une fois encore, si le glyphosate, en tant que tel, n’est pas particulièrement toxique pour l’environnement, à partir du moment où il est associé à des coformulants pour créer des herbicides comme le Roundup, il devient tout de suite très nocif. Or, ces effets sont parfaitement démontrés scientifiquement, mais ignorés par les agences réglementaires européennes et nationales, la crainte étant d’ouvrir une brèche vers une interdiction massive des herbicides. Dans un contexte d’érosion sans précédent de la biodiversité et de 6ème extinction de masse, ça ne fait pas riche.
👉 Pourquoi parle-t-on de la sixième extinction ?
Les grands rebondissements autour du glyphosate
Le glyphosate, c’est un peu le Dallas des produits phytosanitaires. Parmi les principaux épisodes de la dernière décennie, on trouve 🍿 :
- Dès 2016, les produits à base glyphosate contenant le co-formulant POE-tallowamine étaient retirés du marché en France.
- En décembre 2017, la substance active glyphosate était ré-approuvée par l’Union européenne pour une durée de 5 ans, tout en exigeant que des données supplémentaires soient fournies lors de l’évaluation des produits contenant du glyphosate au sujet notamment des propriétés génotoxiques des produits en contenant.
- En juin 2018, un plan d’action pour la sortie du glyphosate en France était enclenché, suivi en décembre de la même année d’un retrait du marché des produits sans dépôt de demande de renouvellement de leur autorisation de mise sur le marché.
- En janvier 2019, le glyphosate est interdit dans les espaces publics en France.
- Dès décembre 2019, les produits pour lesquels un manque de données ne permet pas de finaliser l’évaluation du potentiel génotoxique du produit étaient retirés du marché, suivis au 1er septembre 2020 du retrait des produits à base de glyphosate de la gamme amateurs.
- En octobre 2020, une évaluation comparative des alternatives non chimiques au glyphosate a conduit à la modification des conditions d’emploi dans le cadre des évaluations de leur demande d’autorisation de mise sur le marché.
- En décembre 2022, la Commission européenne proroge d'un an l'autorisation d’utilisation du glyphosate afin de permettre à l'EFSA de terminer son examen.
- En juillet 2023, les conclusions de l'examen par les pairs de l'EFSA sont transmises à la Commission européenne, affirmant qu’elle n’avait pas identifié de « domaine de préoccupation critique » chez les humains, les animaux et l’environnement de nature à justifier une interdiction 🤔.
La Commission européenne procède, le 16 novembre suivant au renouvellement de l’approbation du glyphosate pour une période de dix ans 🫣, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions du fait d’une absence d’accord entre les Etats membres quant à la reconduction ou au rejet de l’autorisation du glyphosate.
👉 Le non surprise de l’Europe au projet de réduction de l’usage des pesticides
Le renouvellement de l’approbation du glyphosate malgré une littérature scientifique abondante
Comment expliquer une telle décision ? Il semblerait en fait que la majorité qualifiée requise pour valider ou rejeter la proposition de la Commission qui avait proposé de renouveler son autorisation, représentant au moins 65 % de la population européenne, n’ait pas été atteinte. 7 pays, dont la France, se sont abstenus, 17 ont voté pour, et seulement 3 s’y sont opposés. Curieux, notre bon Président n’avait-il pas promis lors de sa campagne une sortie du glyphosate à l’horizon 2021 😠?
En fait, le vrai problème est avant tout l‘absence d’alternative et accessible économiquement pour les agriculteurs, le glyphosate étant actuellement le seul herbicide à être à la fois total, c’est-à-dire efficace sur tous les végétaux, systémique (autrement dit toute la plante est tuée, même les racines), et non-rémanent : le produit pulvérisé n’est herbicide que quelques heures. Ainsi, si chaque pays demeure libre d’interdire individuellement le glyphosate, la distorsion de concurrence entre ses agriculteurs et ceux des autres pays serait considérable.
👉 Comment faire pour manger bio et pas cher ?
À retenir
Malgré une très abondante littérature scientifique démontrant la nocivité de l’utilisation de glyphosate pour la santé humaine, et pour l’environnement et la biodiversité, la Commission européenne a décidé, le 16 novembre 2023, de renouveler son autorisation d’utilisation pour une nouvelle période de 10 ans. En cause, une absence d’alternative économiquement viable pour les agriculteurs, qui pousse les institutions européennes à fermer les yeux et à se cacher derrière des études dont la méthodologie et l’indépendance sont plus que discutables.
Explorer - protéger - se ressourcer #BornToBeWild
|
Sources : anses.fr, inserm.fr, reporterre.net, lemonde.fr