Des denrées alimentaires globe-trotteuses
Selon une étude de l’Ademe publiée en 2019, les produits alimentaires consommés par les Français parcourent jusqu’à 201 milliards de tonnes de kilomètres par an. Une petite trotte, n’est-ce pas ? Et avec elle son lot d’émission de CO2, qui avoisinerait les 22 millions de tonnes 😱. La distance moyenne parcourue par une denrée entre son lieu de production et votre assiette serait ainsi comprise entre 2.400 et 4.800 km. Environ 80% de l’offre alimentaire est assurée par les grandes surfaces, et la part importée des fruits et légumes dépasse 40% dans certaines catégories. Comment ne pas relever que ce bilan est inacceptable dans la situation qui est celle de la planète au regard du dérèglement climatique ? L’empreinte environnementale de ce que l’on mange est abyssale.
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Ça veut dire quoi, être locavore ? Manger local !
C’est en opposition avec ces pratiques à l’impact écologique dévastateur que le locavorisme a émergé pour enjoindre les consommateurs à se tourner vers des produits locaux. Concrètement, il s’agit d’une revendication d’un nouvel ordre alimentaire et agricole, porté par une volonté de promouvoir l’agriculture locale dans un souci d’environnement durable, de sécurité alimentaire, de justice sociale et de viabilité économique des communautés agricoles. Ce mode de consommation qui prône une alimentation locale et de saison afin de contribuer au développement durable se veut responsable, plus éthique. Et le succès est au rendez-vous : sa communauté ne cesse de croître.
Au sein même du mouvement, on relève quelques batailles de clocher, au sujet notamment de la distance maximale au-delà de laquelle un produit n’est plus considéré comme local au sens locavore du terme : les positions oscillent entre 160 km et 250 km du lieu de consommation 📍, mais en gros, vous voyez l’idée.
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Histoire d’un mouvement planétaire
Le locavorisme nous vient tout droit des Etats-Unis, le terme prenant naissance en 2005 en Californie à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement. Il est ensuite élu mot de l’année en 2007 par le New Oxford American Dictionary, et se diffuse ensuite plus largement grâce à un dossier du Times Magazine de mars 2007. Ça y est, la tendance était lancée ! Côté Français, il a également acquis ses armes de noblesse puisqu’il est entré au Larousse depuis 2010 🤓.
À l’origine de ce concept, on trouve trois femmes (notamment Jessica Prentice, chef cuisinière soucieuse de proposer des produits frais et de proximité à ses clients) qui écriront un article publié dans le San Francisco Chronicle, signé de « trois locavores ou trois femmes qui mangent local ». Cet article s’inscrivant dans un contexte de montée du mouvement de fond « Local Food » en Californie dans les années 2000 appela alors ses lecteurs à tenter l’expérience de manger local pendant un mois entier. Un succès médiatique immédiat pour ce mot, fruit de la combinaison entre les termes latins locus (lieu, local) et vorare (avaler), qui s’est répandu comme une traînée de poudre dans tout le pays, puis partout dans le monde, jusqu’à donner naissance à toute une communauté 🌍.
Un mouvement qui n’est pas totalement étranger à celui du Slow Food, qui ambitionne de reconnecter nourriture, agriculture et culture en misant sur des ingrédients locaux, bio et de saison, par opposition au fast-food. La figure emblématique du locavorisme, Alice Waters, en est d’ailleurs également vice-présidente.
Manger local pour plus de traçabilité et de proximité
C’est ainsi que de nombreuses plateformes de mise en relation entre producteurs et consommateurs fleurissent depuis plusieurs années, de manière à limiter autant que possible les intermédiaires. Une proximité qui favorise à son tour les échanges et une meilleure connaissance des cycles agricoles, des techniques, et des saisons par les consommateurs. Ces derniers pourront alors plus facilement cibler leurs choix sur des modes de production aussi vertueux que possible 🎯, éviter les élevages industriels, et favoriser les modes de cultures raisonnées et/ou bio, et le maraîchage en permaculture, dans un vaste cercle vertueux. En consommant local, on connaît davantage les denrées consommées et on dispose d’une bien meilleure traçabilité sur les modes de production. Cela permet immanquablement de se montrer plus tatillon. Un peu de viande de cheval dans vos lasagnes 🥩 ? Non merci, très peu pour vous !
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Pour une juste rémunération des producteurs
L’esprit locavore, c’est aussi de pratiquer des prix qui tendent vers plus d’équité et rémunérer les producteurs et artisans à la hauteur de leur travail. Le locavorisme ambitionne ainsi de réintroduire un mode de rémunération plus juste. Si être locavore et s’approvisionner en circuit court, c’est-à-dire en limitant au maximum les intermédiaires entre producteur et consommateur, sont deux choses bien différentes, il n’en est pas moins que les deux notions sont liées et souvent associées. Le locavorisme favorise logiquement le circuit court, et participe ainsi à rémunérer les producteurs de manière équitable.
Faire vivre l’économie locale
Ce mouvement s’inscrit également dans une démarche de soutien de l’économie et de l’emploi locaux, en aidant les filières agricoles et en renforçant la souveraineté alimentaire de la France. Il s’agit d’un mode de consommation qui travaille à relancer les productions et à stimuler l’économie locale 💪.
Manger local ne suffit pas
L’Ademe affirme néanmoins qu’en ce qui concerne le bilan carbone d’un produit alimentaire, seulement 20% du gaz à effet de serre émis l’est à l’occasion du transport. Tout le reste concerne la phase de production. Le critère du lieu de production est donc insuffisant, en lui-même, pour rendre un mode de consommation vertueux. Le locavorisme doit donc s’inscrire dans une démarche plus vaste.
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Il faut en effet faire la part des choses entre manger local et manger durable : à moins de manger exclusivement bio, il est tout à fait possible de manger des légumes locaux bourrés de pesticides ou cultivés en serre. Manger local, oui, mais privilégier les maraîchers qui évitent les monocultures qui appauvrissent les sols, encore plus. Pour que le locavorisme porte le plus de fruits possibles, il est donc préférable de cumuler plusieurs démarches de front : manger local, bio et de saison, en circuit court, se rapprocher autant que possible du zéro déchet et limiter sa consommation de viande.
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Manger 100% local, c’est possible ?
C’est l’expérience qu’a tentée Stéphane Linou, en entreprenant de ne se nourrir exclusivement d’aliments produits dans un rayon de 150 km autour de chez lui, dans l’Aude, de septembre 2008 à septembre 2009. Ancien animateur de la Confédération Paysanne du département, administrateur de l’ADEAR (Association pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural), il a créé en 2004 la première AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) de l’Aude. Pour lui, manger local, c’est se réapproprier la souveraineté alimentaire tout en permettant au producteur de vivre de son travail sans intermédiaire et à la richesse de se fixer sur le territoire. Selon lui, il faut cuisiner et transformer, changer ses habitudes, faire la part des choses entre les notions de besoin et de caprice, l’agréable et le vital, mais c’est tout à fait possible.
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Adieu fraises espagnoles
Le principal inconvénient du locavorisme réside sans doute dans la monotonie qui peut s’installer dans les assiettes, notamment en hiver. Fatalement, qui dit local dit moins de possibilités de varier les mets. Mais en cuisinant un minimum, vous apprendrez à sublimer ces produits et à en décliner toutes les saveurs 😋.
À ce sujet, il y a les locavores radicaux, et ceux qui font preuve de plus de flexibilité, et qui appellent davantage à réintroduire du bon sens dans les habitudes de consommation. Une entorse n’a jamais fait de mal à personne, l’idée est avant tout d’adopter un mode de consommation globalement plus éthique et raisonné. Ne renoncez pas à votre petit café pour autant ☕ ! Certains produits essentiels, vous l’imaginez bien, seraient alors introuvables dans la plupart des régions, notamment le sel, le chocolat (oui, c’est essentiel) ou les fruits de mer. Manger doit rester un plaisir, d’autant que le locavorisme trop radical serait en définitive contreproductif, notamment lorsqu’il se désintéresse de l’empreinte environnementale de l’agriculture.
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À retenir :
Être locavore, c’est s’inscrire dans un mouvement qui prône la consommation d’aliments locaux afin de promouvoir un nouvel ordre alimentaire et agricole plus responsable et éthique. Favoriser les produits de saison, les circuits courts, afin de bénéficier d’une meilleure traçabilité sur le contenu de votre assiette et de rémunérer plus équitablement les producteurs, voilà le défi que se lance cette revendication qui nous arrive des Etats Unis et qui nous a conquis sans grande résistance. Mais attention, manger local ne suffit pas en soi à assurer une mode de consommation plus vertueux, et doit s’inscrire dans une démarche plus vaste afin de permettre de manger durable, conformément à l’état d’esprit du locavorisme. Manger local coûte que coûte et fermer les yeux sur les autres critères essentiels, comme privilégier le bio, l’agriculture raisonnée, les circuits courts, ou le zéro déchet, serait au mieux inopérant, et au pire contre productif.
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Sources : cairn.info, linfodurable.fr, mediapart.fr, greenpeace.fr, ecotable.fr, blog.pourdebon.com