Les méga-bassines, une fausse solution ?
En matiĂšre de mĂ©ga-bassine, il y a clairement les « pour » et les « contre » : elles sont trĂšs dĂ©criĂ©es par les dĂ©fenseurs de lâenvironnement qui dĂ©noncent une vĂ©ritable aberration Ă©cologique, voilĂ pourquoi :
- Ces derniers dĂ©noncent un vĂ©ritable accaparement de lâeau des nappes par un modĂšle agro-industriel aux nombreux effets dĂ©lĂ©tĂšres. Notamment, sont montrĂ©es du doigt les productions de culture de maĂŻs đœ, trĂšs gourmandes en eau Ă un moment oĂč il ne pleut pas, et inadaptĂ©es Ă nos climats, en grande partie destinĂ©es Ă lâexport et Ă lâĂ©levage industriel, en bĂątiments, voire Ă la mĂ©thanisation... Cette production agricole ne participe pas, par une production locale, Ă la souverainetĂ© alimentaire du pays. Un modĂšle partiellement responsable du rĂ©chauffement climatique, et qui doit aujourdâhui sây adapter.
- De plus, la qualitĂ© de lâeau serait altĂ©rĂ©e par lâopĂ©ration, car lâeau, arrivĂ©e en surface, subit une dĂ©gradation, un dĂ©veloppement bactĂ©rien, et une eutrophisation, et sâĂ©vapore, contrairement Ă lâeau contenue dans les nappes. LâĂ©vaporation entraĂźnerait ainsi une perte de 20 Ă 60 % de lâeau prĂ©levĂ©es, un phĂ©nomĂšne qui nâaurait pas eu lieu si elle Ă©tait restĂ©e dans les nappes âšïž. Câest ainsi que le directeur de recherche honoraire au CNRS et spĂ©cialiste de l'eau et des systĂšmes hydrobiologiques, Christian Amblard, Ă©voque au sujet des rĂ©servoirs dâeau en surface un contresens.
- On reproche Ă©galement aux exploitants de se servir en fonction de leurs seuls besoins, sans prise en compte de la disponibilitĂ© en eau, ce qui pourrait mener Ă consommer plus dâeau que nĂ©cessaire, et Ă aggraver encore plus les Ă©pisodes de sĂ©cheresse, accentuant la pression sur les ressources alors que les nappes peinent Ă se reconstituer et se rechargent de plus en plus tardivement du fait dâune pluviomĂ©trie insuffisante. Lâhydroclimatologue Florence Habets Ă©voque ainsi, au sujet des mĂ©ga-bassines, une « maladaptation » au rĂ©chauffement climatique, car plus on stocke, plus le dĂ©ficit hydrique sâintensifie.
- Ces mĂ©ga-bassines nuiraient Ă©galement Ă la biodiversitĂ©. Lâeau prĂ©levĂ©e se serait infiltrĂ©e dans les sols et aurait ruisselĂ© dans les cours dâeau, alimentant son cycle naturel et vivant et rĂ©pondant aux besoins vitaux des milieux : elle aurait donc alimentĂ© diffĂ©rents Ă©cosystĂšmes.
- Il sâagirait dâune solution, certes efficace Ă court terme, mais qui perdrait tout intĂ©rĂȘt en cas de sĂ©cheresse sur le long terme, scĂ©nario qui est clairement le nĂŽtre pour les annĂ©es et dĂ©cennies Ă venir.
đ SĂ©cheresse : quelles consĂ©quences ?
LâiniquitĂ© entre agriculteurs
đ Mais les dĂ©fenseurs de lâenvironnement ne sont pas les seuls Ă les fustiger, câest aussi le cas de nombreux agriculteurs qui eux, nây ont pas accĂšs. Câest donc une vĂ©ritable inĂ©galitĂ© entre exploitants, certains en Ă©tant privĂ©s au dĂ©triment de lâagro-industrie, qui bĂ©nĂ©ficie du soutien public malgrĂ© des pratiques dâagriculture dĂ©raisonnĂ©e. Une iniquitĂ© logiquement trĂšs mal vĂ©cue par les intĂ©ressĂ©s, et un accaparement de lâeau au profit dâune minoritĂ© dâagriculteurs pratiquant une agriculture intensive gourmande en eau, en pesticides et en engrais chimiques. Des agriculteurs dĂ©tracteurs qui, de leur cĂŽtĂ©, prĂŽnent une rĂ©partition Ă©quitable et durable des ressources en eau.
đ La sĂ©cheresse hivernale : une bombe Ă retardement
Que préconisent les anti méga-bassines ?
Les « anti » prĂŽnent une conversion de lâagriculture vers un modĂšle plus vertueux, en remplaçant les cultures de maĂŻs, et en misant sur une recharge naturelle des nappes, au moyen de la reforestation, de la plantation de haies et de prairies, ayant tous un rĂŽle primordial dans le cycle de lâeau. đ Pourquoi les arbres sont si importants au juste ?
Une rĂ©duction de la consommation de viande đ„©, par exemple, permettrait de faire dâimportantes Ă©conomies dâeau, dans la mesure oĂč plus de 71% des terres agricoles de lâUnion europĂ©enne servent Ă alimenter le bĂ©tail.
Les arguments des pro-bassines
Ă lâinverse, les dĂ©fenseurs de mĂ©ga-bassines affirment quâau contraire, ces projets permettent une amĂ©lioration globale du niveau des nappes en printemps-Ă©tĂ© et une augmentation du dĂ©bit des cours dâeau, en diminuant notablement les volumes prĂ©levĂ©s lâĂ©tĂ©. DâaprĂšs eux, la nappe nâest prĂ©levĂ©e quâĂ la condition quâelle dĂ©borde, au-delĂ dâun certain seuil, avant que le surplus ne se dĂ©verse dans les cours dâeau. De ce fait, il sâagirait dâune eau excĂ©dentaire lâhiver, qui sans cela serait perdue.
đ Le cycle de l'eau : le comprendre pour en prendre soin
Ils sâappuient notamment sur un rapport technique du Bureau de recherches gĂ©ologiques et miniĂšres (BRGM), estimant le procĂ©dĂ© comme Ă©tant globalement vertueux, et susceptible dâavoir des effets globalement positifs Ă la fois sur les nappes phrĂ©atiques, les cours d'eau et les zones humides. Pourtant, le BRGM aurait publiquement pris position sur cette question, soulevant le fait que certains angles morts nâaient pas Ă©tĂ© pris en compte dans leur Ă©tude, comme les Ă©volutions climatiques.
Le vrai du faux
đ§ Et câest tout Ă fait vrai : dans son CommuniquĂ© de presse, le BRGM apporte certaines explications sur lâexpertise quâelle a rendue en juin 2022, Ă la demande de la SociĂ©tĂ© CoopĂ©rative Anonyme de lâeau des Deux-SĂšvres (COOP 79), maĂźtre dâouvrage des projets de crĂ©ation de rĂ©serves de substitution sur le bassin de la SĂšvre-Niortaise-Mignon.
Ă ce sujet, Le BRGM prĂ©cise que ce rapport nâest ni « une Ă©tude approfondie, ni une Ă©tude dâimpact de toutes les consĂ©quences possibles des prĂ©lĂšvements dâeau envisagĂ©s. Il ne sâagit pas non plus dâun article de recherche scientifique soumis Ă lâĂ©valuation de la communautĂ© scientifique. » Par ailleurs, il prĂ©cise clairement que les scĂ©narios dâimpact du changement climatique nây ont pas Ă©tĂ© pris en compte, et que ces paramĂštres, non simulĂ©s dans lâĂ©tude, sont importants, dans la mesure oĂč « la rĂ©currence de pĂ©riodes de sĂ©cheresse hivernale pourrait conduire de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e Ă des niveaux de nappe infĂ©rieurs aux seuils rĂ©glementaires ». Ce rapport permet simplement dâĂ©valuer ce qui se serait passĂ© si les rĂ©serves de substitution avaient Ă©tĂ© mises en place au cours des annĂ©es 2000-2011. Il reconnaĂźt Ă©galement ne pas avoir non plus envisagĂ© les risques d'Ă©vaporation de l'eau depuis les rĂ©serves.
Il semblerait donc que ces données soient en définitive utilisées de maniÚre trompeuse, notamment par les pouvoirs publics.
De mĂȘme, le « Giec des Pays de la Loire », dĂ©clinaison rĂ©gionale autoproclamĂ©e du Giec, composĂ©e de chercheurs multidisciplinaires travaillant dans des universitĂ©s, des grandes Ă©coles ou instituts de recherche, recommande dans un rapport du 12 avril 2023 dâinterdire la construction de mĂ©ga-bassines agricoles. Ce rĂ©seau dâacteurs engagĂ©s dans le dĂ©veloppement durable en appelle Ă l'accĂ©lĂ©ration de la formation des agriculteurs aux enjeux climatiques et Ă un soutien au changement de modĂšle agricole, dĂ©sormais incontournable.
đ Les bons gestes pour Ă©conomiser l'eau en pĂ©riode de sĂ©cheresse
Ă retenir :
Une chose est sĂ»re, les mĂ©ga-bassines font parler dâelles et cristallisent de nombreuses tensions. Ces immenses rĂ©serves dâeau rĂ©servĂ©es Ă lâirrigation des cultures, ou rĂ©serves de substitution, sont prĂ©sentĂ©es par ses dĂ©fenseurs comme une solution au problĂšme du rĂ©chauffement climatique et aux sĂ©cheresses qui lâaccompagnent. Directement prĂ©levĂ©e dans les nappes phrĂ©atiques et les cours dâeau pendant lâhiver, lâeau est ensuite utilisĂ©e par les agriculteurs au cours de lâĂ©tĂ© qui suit afin de faire face aux canicules et aux pĂ©nuries.
Une vĂ©ritable hĂ©rĂ©sie pour de nombreux scientifiques et dĂ©fenseurs de lâenvironnement, qui dĂ©noncent une fausse solution, aggravant encore davantage la pression sur les ressources en eau dans un contexte oĂč les nappes peinent Ă se reconstituer, de mĂȘme quâun vĂ©ritable accaparement de lâeau par lâagro-industrie, au dĂ©triment des Ă©cosystĂšmes et des autres agriculteurs, qui eux, nâont pas cette chance et font lâobjet de restrictions. Un contresens, dans un contexte oĂč, au contraire, câest le modĂšle mĂȘme de notre agriculture qui devrait sâadapter au rĂ©chauffement climatique. MalgrĂ© tout, lâEtat persĂ©vĂšre dans cette voie, si lâon en croit les propos du PrĂ©sident Macron lors de sa rĂ©cente prĂ©sentation du « Plan Eau » en mars 2023.
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Sources : vie-publique.fr, greenpeace.fr, geo.fr, francetvinfo.fr, confederationpaysanne.fr, huffingtonpost.fr, francetvinfo.fr, radiofrance.fr, lefigaro.fr, basta.media
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