L’Europe s’assèche !
La sécheresse fait parler d’elle de plus en plus fréquemment. Et pour cause : elle fait désormais plus de victimes et provoque plus de déplacements de populations que cyclones, inondations et séismes réunis 😱 !
👉 Sécheresse : quelles conséquences ?
Mais plus grave encore que la sécheresse de surface, déjà très dommageable, la disponibilité en eau douce inquiète plus encore. La situation des eaux souterraines est en effet particulièrement préoccupante en Europe. Les analyses ont en effet démontré qu’un appauvrissement constant du volume d’eau contenu dans les réserves souterraines était intervenu entre 2002 et 2022.
La tendance est donc, et de manière très durable, à un déficit permanent : tous les ans, les aquifères perdent plus d’eau qu’ils n’en collectent. L’Europe perdrait ainsi environ 84 gigatonnes d’eau chaque année (une gigatonne correspondant à un milliard de tonnes d’eau).
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C’est quoi, une nappe phréatique ?
Il s’agit de réservoirs d’eau, ou d’aquifères, situés dans le sous-sol, à une profondeur variable, pouvant aller de quelques mètres à quelques centaines de mètres. Il peut s’agir d’ensembles minéraux gorgés d’eau, comme du sable, ou de cavités souterraines. Leur taille est très variable, mais certaines sont monstrueuses, comme l’aquifère captif des sables verts du Bassin de Paris, qui s’étend sur 75 000 km² 💪.
En France, Environ 7 milliards de m3/an sont prélevés dans les nappes d’eau souterraine. Elles nous approvisionnent en eau de boisson, permettent l’irrigation des cultures, et peuvent être prélevées par certaines entreprises industrielles également.
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Comment les nappes se rechargent-elles ?
Si l’on sait bien comment les nappes se déchargent, victimes des extractions excessives d’eau par l’Homme pour ses besoins agricoles et industriels, notamment, sait-on vraiment comment les réserves souterraines se reconstituent 🤔 ?
Ce sont les pluies tout au long de l’hiver qui ont pour effet de recharger les nappes, entre les mois de novembre à avril. En effet, la végétation est alors en sommeil 😴, de sorte que les pluies parviennent à s’infiltrer plus profondément, jusqu’aux nappes phréatiques.
On désigne sous le terme de « pluie efficace » celle qui aboutit soit à un ruissellement superficiel soit à une infiltration vers les nappes.
🌱 À l’inverse, sur les saisons printanière et estivale, l’humidité est interceptée par les racines. C’est pourquoi le déficit hydrique hivernal impacte directement le niveau d’eau de ces précieuses réserves.
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Et ensuite ?
L’eau, une fois qu’elle parvient à la nappe, ne reste pas immobile : elle se déplace par gravité des zones les plus hautes vers les points les plus bas. Certaines nappes sont captives, et contenues entre deux zones imperméables. D’autres peuvent communiquer entre elles, par infiltration. L’eau contenue dans les nappes peut regagner, par drainage naturel, les milieux aquatiques, ou inversement. L’eau peut ainsi rejoindre la surface au niveau des sources ou des cours d’eau, par des exutoires, pour si peu qu’il s’agisse d’un niveau plus bas topographiquement.
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Nappes phréatiques et niveau de la mer : le cercle vicieux
De même, en raison de l’augmentation du niveau de la mer, les nappes du littoral sont menacées par des intrusions d’eau salée, qui les rendraient impropres à l’utilisation que nous en faisons.
À l’inverse, l’épuisement des nappes phréatiques participe également au phénomène d’élévation du niveau de la mer 🙃 : l’eau douce prélevée s’évapore, et crée des précipitations, qui, ne parvenant à rejoindre les aquifères que très partiellement (à hauteur d’1/3, tout au plus), alimentent les cours d’eau et rejoignent les océans…
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Les nappes ne sont pas égales face à la sécheresse
Et le problème, c’est que toutes les nappes, en fonction du contexte géologique, n’ont pas les mêmes capacités de résilience. Lorsque certaines nappes accusent plusieurs automnes-hiver déficitaires en précipitation, il leur faudra plusieurs années pour compenser et retrouver des niveaux satisfaisants.
En effet, de nombreux facteurs jouent sur ce qui advient de l’eau de pluie au moment où elle touche le sol : pente du terrain, nature, perméabilité, fissures de la roche, surface de la zone de recharge des nappes, végétation… Par exemple, une zone de sable fin nécessitera plusieurs mois de pluie avant que le sol superficiel ne soit saturé et que l’eau puisse atteindre la nappe.
Les aquifères fissurés se comportent différemment des aquifères poreux ou des aquifères karstiques. Certaines réserves souterraines seront donc plus facilement imprégnées que d’autres, et quand certaines parviendront à se reconstituer en quelques jours, voire en quelques heures de grosses précipitations, d’autres auront besoin de plusieurs mois, et parfois de plusieurs années ⌚.
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Quid de la recharge artificielle des nappes ?
Face à ce défi, certaines nappes sont parfois réalimentées de manière artificielle, par injection directe, à partir d’eaux de surface ou d’eaux usées traitées. Le procédé est déjà dans les mœurs de certains pays durement touchés par la sécheresse, tels que l’Australie, l’Espagne ou la Californie.
Mais il n’est utilisé que timidement en France en raison des risques qu’il peut présenter. En effet, l’eau réinjectée pourrait présenter des risques sanitaires de contamination microbiologique et chimique ☣️. C’est pourquoi les systèmes de recharge maîtrisée des nappes nécessitent une demande d’autorisation par arrêté préfectoral.
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Le cycle de l’eau : Rien ne se perd, tout se transforme, mais pas forcément à notre avantage
En fait, s’il est vrai que la quantité d’eau sur terre est stable et constante, le réchauffement climatique et les activités anthropiques n’en entraînent pas moins un déplacement de l’eau douce. Des transferts incessants de masses d’eau interviennent en permanence entre les différents réservoirs de notre planète : entre les océans, les eaux continentales, et l’atmosphère 🌍.
Notre influence sur la modification de la répartition de l’eau douce est considérable : le mythe selon lequel l’eau est une ressource inépuisable est donc erroné.
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Comment le niveau de nappes est-il surveillé ?
Un réseau de surveillance est mis en place à travers la France au moyen de piézomètres, autrement dit de forages non exploités, afin de mesurer le niveau d’eau souterraine par l’intermédiaire de capteurs connectés. Il s’agit d’une mission du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), le service géologique national français. En croisant les informations avec le volume de prélèvement et les conditions climatiques, il devient donc possible d’anticiper sur la nécessité de prononcer des mesures de restrictions à certaines périodes de l’année 📉.
De même, la mission GRACE (Gravity Recovery and Climate Experiment), menée par la NASA et le Centre aérospatial allemand 🚀, est chargée de surveiller l’évolution de la répartition de l’eau dans le temps en mesurant sa force gravitationnelle. Ses travaux ont notamment permis d’élaborer une carte de l’épuisement des eaux souterraines dans le monde.
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À retenir
Captées par les sols et la végétation, les précipitations printanières, pourtant abondantes cette année, sont insuffisantes pour compenser le déficit hydrique de l’automne/hiver qui a précédé, période au cours de laquelle les nappes profitent réellement de la « pluie efficace ». Ces réservoirs d’eau, ou aquifères, nécessitent en effet pour certains plusieurs mois, voire plusieurs années afin de se recharger. Souvenons-nous de ce message dévoilé sur une pierre de la faim, sur la rive de l’Elbe en République tchèque, lors des sécheresses de 2022 : « Wenn du mich siehst, dann weine », se traduisant de la manière suivante : « Si tu me vois, pleure ». Un funeste avertissement dont il serait bon de tenir compte !
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Sources : notre-planete.info, nationalgeographic.fr, sigescen.brgm.fr, leparisien.fr, cieau.com, anses.fr, theconversation.com, brgm.fr, lemonde.fr