Miyawaki, une méthode qui nous vient du japon
🌍 D’après l’astrophysicien Hubert Reeves, « Nous menons une guerre contre la nature. Si nous la gagnons, nous sommes perdus ». Faire céder le béton pour restaurer les espaces naturels en ville est l’un des enjeux les plus importants de notre siècle, afin de lutter contre le réchauffement climatique, les îlots de chaleur, la dégradation des écosystèmes et la disparition de la biodiversité.
Akira Miyawaki, botaniste expert en écologie végétale, est né en 1928 au Japon, pays de la sylvothérapie et des bains de forêts. Poussé par la préoccupation de préserver les forêts indigènes et de restaurer la nature dans les espaces urbains, péri-urbains et industriels, il a mis au point une méthode de plantation dans une optique de résilience écosystémique.
🌿 Il propose un procédé de végétalisation « express » capable de restaurer les écosystèmes forestiers, mettant à contribution le génie écologique afin de concevoir des écosystèmes plus résilients.
La méthode Miyawaki : quel est le concept ?
La méthode promet la restauration rapide d’un écosystème forestier en quelques années, et sans intervention humaine, ou presque. La méthode Miyawaki consiste à couvrir des espaces difficiles urbanisés et dégradés (de type ancien parking, friche industrielle, bord d’autoroute, éboulis…) avec des espèces natives locales, des essences ligneuses issues d’une « végétation naturelle potentielle », du dernier stade du cycle sylvigénétique.
Autrement dit, principalement des espèces locales que l’on trouverait dans une forêt mature au dernier stade de la succession écologique 💪.
🌱 Après une fertilisation naturelle du sol (par fumier, compost, ou apport de sciure) et un semis et une germination en pépinière jusqu’à obtenir un système racinaire suffisamment dense, ces derniers sont ensuite réintroduits de manière aléatoire, sans alignement, dans le respect néanmoins d’une certaine complémentarité et à la recherche d’un équilibre naturel entre les essences d’arbustes, d’arbres moyens et d’arbres de grande taille. Les jeunes arbres sont plantés de manière très serrée, avec une moyenne de 3 individus par mètres carrés.
Les 3 premières années, l’Homme continue d’intervenir pour arroser et désherber, avant de laisser la nature reprendre ses droits et son autonomie, et de laisser libre cours à la concurrence entre les plants. 🌳 En deux mots, la méthode Miyawaki consiste donc à laisser faire la nature, après un petit coup de pouce au démarrage, et permettrait d’obtenir, en 20 ans, une canopée formée, là où les méthodes conventionnelles mettraient 200 ans à y parvenir.
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La success story Miyawaki
Après avoir expérimenté sa méthode au Japon, Akira Miyawaki l’a ensuite exporté avec succès en Thaïlande, en Amazonie, au Chili, ou encore Chine, sur les zones tropicales déforestées, obtenant des strates forestières et une composition microbienne du sol proche de celle des forêts primaires.
Depuis 1971, Akira Miyawaki aurait ainsi planté 1700 forêts natives, soit 40 millions d’arbres, à travers plus de 15 pays, avec des résultats impressionnants.
👉 Pourquoi les arbres sont si importants au juste ?
La méthode Miyawaki s’est vue maintes fois récompensée et reconnue, notamment au sommet de Rio en 1992. S’agirait-il de LA méthode miracle pour créer rapidement des forêts urbaines pérennes ? Quoi qu’il en soit, de nombreuses expérimentations sont menées aux abords de plusieurs grandes agglomérations françaises, en collaboration avec des associations, des collectivités territoriales, des initiatives citoyennes, ou encore des écoles, dans le cadre de projets pédagogiques.
C’est ainsi que la première microforêt francilienne inspirée de la méthode Miyawaki a vu le jour en 2018 entre le marché aux puces de la porte de Montreuil dans le 20ème arrondissement et le boulevard périphérique, sur 400 m², à l’initiative de l’association Boomforest 🤗. Suivie d’une seconde opération l’année suivante par le même organisme sur 500 m2 à la porte des Lilas, de même que deux autres en 2020 dans le quartier des Hauts de Malesherbes, dans le 17ème arrondissement, et sur le campus de l’université de Nanterre. 👉 La règle des 3 - 30 – 300 : avez-vous votre dose de nature ?
D’autres voient le jour à Nantes, Toulouse, Bordeaux (à l’emplacement d’un parking), à Strasbourg (dans le cadre d’un projet de plantation de 750 plants ligneux sur 250 m2 au beau milieu de l’avenue du Rhin), Lyon, ou encore Mulhouse - cette dernière lançant l’une des plus grandes opérations du pays avec la plantation de 24 000 plants ligneux de 40 essences différentes sur 8 000 m2 le long de l’A36 au nord de la ville.
Les forêts Miyawaki s’imposent donc progressivement comme un outil de politique publique et génèrent un véritable engouement médiatique et citoyen, dans un contexte où plus de 8 Français sur 10 aspirent à vivre près d’un espace vert en ville. Pourtant, elle continue de diviser.
Une méthode controversée : le son de cloche des détracteurs
Malgré tout, l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) estime, au sujet de la méthode Miyawaki, que le rapport qualité-prix demeure insuffisant, au regard de l’importante compétition entre essences à laquelle elle donne lieu, et de la sélection naturelle qui en découle.
En effet, après 12 ans, 61 à 84% des arbres seraient morts, si l’on en croit les résultats d’une étude scientifiques menée en 2010 sur l’efficacité des micro-forêts, laissant leur place aux plus résistants, ce qui suppose un investissement en partie à perte 💰. Si la micro-forêt pousse si rapidement, c’est en raison de cette concurrence : chaque arbre cherche à accéder à la lumière et aux ressources avant son voisin, et que le meilleur gagne.
De plus, il en résulterait un résultat insuffisant, plus proche de l’espace végétalisé et du bosquet, que de la micro-forêt, pouvant néanmoins constituer des îlots de fraîcheur et de refuge pour la biodiversité. 👉 Ecosia, le moteur de recherche qui plante des arbres !
Par ailleurs, cette méthode a été, à l’origine, déployée en Asie et en Amérique du sud, c’est-à-dire dans un climat tropical chaud et humide, qui diffère fortement du nôtre, en France 🌴. Peut-on donc transposer chez nous telles quelles les publications du célèbre botaniste japonais 🤔 ? La question mérite d’être posée.
D’après Hervé Le Bouler, ancien responsable forêts de France Nature Environnement (FNE), « Nous sommes dans un contexte où contrairement au milieu tropical, les espèces ne sont pas faites pour vivre entre elles à forte densité. C’est une illusion d’imaginer que mélanger toutes les espèces d’un écosystème leur permettra de coopérer entre elles. ». Il s’agirait donc de s’inspirer de la méthode Miyawaki tout en l’adaptant aux conditions locales, sans oublier de prendre en compte le facteur « réchauffement climatique ».
De plus, en écologie, comme en de nombreux domaines, la taille a son importance. La dimension des forêts a donc, sur leur fonctionnement et sur la biodiversité qu’elles hébergent, une influence de taille, avec des effets de seuils. C’est ainsi que les petites forêts, et plus encore les micro-forêts, qui plus est en ville, sont beaucoup plus vulnérables que les vastes espaces boisés, et que la biodiversité qu’elles hébergent est moins riche.
Suggérer que la méthode Miyawaki, en restaurant les écosystèmes forestiers, est capable de recréer la biodiversité des forêts et un équilibre naturel digne d’une forêt primaire est donc dénoncé comme étant mensonger. C’est pourtant le créneau de différentes entreprises, start-up et associations, qui à grand renfort de communication, affirment haut et fort la supériorité de cette méthode sur d’autres, plus traditionnelles, sans qu’il s’agisse d’un fait réellement démontré.
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Une démarche qui pourrait donc s’avérer perdante, car comme le soulève justement Sylvain Angerand, Coordinateur des campagnes chez Canopée, sans le vouloir, les entreprises en question « reprennent le même discours que la filière bois en entretenant l’illusion que l’on peut recréer des forêts primaires en claquant des doigts » 🫰. C’est pourquoi il est nécessaire qu’un protocole de suivi soit associé aux projets Miyawaki en cours dans l’hexagone, dans une démarche expérimentale en y associant des instituts de recherche.
Une méthode qui doit s’inscrire dans un projet plus vaste
🌍 Néanmoins, on s’entend, c’est toujours mieux que de participer à la déforestation en Indonésie, et chaque arbre de planté est une victoire pour la planète, et une arme de plus contre le réchauffement climatique, en faveur du stockage du CO2 et de la biodiversité, ou encore contre l’érosion des sols.
Il s’agit quoi qu’il en soit d’un concept très intéressant pour végétaliser les villes, réintroduire un peu de vert pour le plus grand bonheur des citadins, et les reconnecter à la nature, essentielle à leur santé et à leur bien-être. Si un projet ambitieux d’accroissement du couvert arboré en ville ne peut donc pas se limiter à la création de « microforêts Miyawaki », elles peuvent indéniablement y participer, aux côtés d’autres procédés.
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À retenir :
Si l’impérieuse nécessité de végétaliser les espaces urbains n’est plus discutée, la manière pour y parvenir continue, elle, de faire débat. À ce sujet, une méthode connaît depuis quelques années un succès fulgurant et fait l’objet de nombreux projets et expérimentations : la méthode Miyawaki. Celle-ci promet de reconstituer rapidement un véritable écosystème forestier, avec une intervention humaine minimale, en plantant des espèces essentiellement locales et en laissant faire la nature. Une méthode express pour obtenir, en quelques dizaines d’années, un résultat qui ne serait atteint qu’en plusieurs centaines avec des méthodes plus traditionnelles. Une méthode qui fait fureur, dans la course qui est la nôtre de lutte contre le réchauffement climatique, les îlots de chaleur, la dégradation des écosystèmes et la disparition de la biodiversité. Mais qui rencontre également de nombreux détracteurs, dénonçant des résultats insuffisants, onéreux et des promesses en partie trompeuses.
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Sources : jardinage.lemonde.fr, theconversation.com, reporterre.net, mnhn.fr, canopee-asso.org, reforestaction.com, tela-botanica.org
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